Emploi Vie Scolaire dans l’Éducation Nationale (en contrat précaire CUI de droit privé), les EVS aident les élèves à handicap physique ou mental. 32 EVS ont poursuivi et gagné contre leur employeur le 6 septembre : on attend l’appel !
Interview intégrale
Le format audio reprend l’interview dans sa presque intégralité, pour aller plus loin que le format dédié au journal imprimé.
Comment as-tu découvert le collectif EVS-AVS ?
Le collectif s’est monté au printemps 2011. Il y avait eu jusque là une quasi-indifférence des syndicats. Jusqu’au jour où Evelynn, militante du STE35, EVS qui avait travaillé dans le même établissement que moi, me contacte en vue de créer un collectif à l’initiative de la CNT et de SUD pour réfléchir sur des actions juridiques. Pile ce que je désirais faire. On apprenait qu’il y avait des victoires aux Prud’hommes, notamment dans le 49. Je me suis renseignée pour savoir quelle intersyndicale soutenait ces dossiers et comment cela se déroulait, s’il fallait prendre un avocat, etc.
Pourquoi avoir créé un collectif et quel est le rôle joué par l’intersyndicale ?
Pile poil ce que j’attendais depuis longtemps. Je préférais une défense collective bien qu’il s’agisse toujours d’une défense individuelle aux Prud’hommes. Un collectif soutenu par une intersyndicale est à la fois sur le registre syndical revendicatif et sur le registre de la défense des dossiers. D’ailleurs, lorsqu’il y a vingt dossiers, cela a un impact, tout particulièrement dans les médias qui ont fait écho de victoires nombreuses aux Prud’hommes. Il y a eu à côté de cela beaucoup de dossiers individuels mais on n’en parlait pas.
Il y a la CNT et SUD super impliqués du début à la fin. Ils ont beaucoup aidé par leurs conseils à monter les dossiers juridiques. Le SNUIPP et la CGT ont participé ensuite. On n’aurait pas avancé sans l’intersyndicale. Déjà, on fait un travail de fou au quotidien et chacun s’implique plus ou moins selon les cas. Les syndicats sont utiles à différents niveaux : logistique pour tirer des tracts, éditer un quatre page, parce qu’ils ont des locaux pour les réunions. Comment un collectif aurait-il pu s’organiser seul alors que les EVS sont très dispersés ?
Le choix de l’avocat a‑t-il posé problème ?
C’est moi qui avais proposé Bougnoux : il avait fait gagner 49 dossiers à Angers. Il proposait 100 euros pour toute la procédure, un forfait qui a été un argument central. Ça a posé un problème car il ne répondait pas aux sollicitations. Il a accepté beaucoup de dossiers sur tout le territoire. L’ensemble constitue un jackpot pour lui. Nous réfléchissons à d’autres avocats plus proches sur Rennes par exemple, plus disponibles.
Sur le fond, quel est le problème avec les contrats aidés ? Avec le statut EVS ?
Le contrat aidé en soi, dans le privé comme dans le public, c’est organiser une précarité tournante. L’objectif est de prendre quelqu’un, de n’avoir rien à payer. On nous prend pendant un an, deux ans. Ce sont des contrats hyper-subventionnés (90% d’exonération la première année, jusqu’à 105% pour les chantiers d’insertion) mais la contrepartie qui est dans le code du travail, c’est la formation et l’accompagnement vers un emploi durable. Mais non, on est balancés dans les écoles et démerde-toi ! Sur le handicap, on ne se pose pas la question de savoir si tu as des compétences et on ne te donne pas de formation sérieuse. Il n’y a pas d’avenir pour ces missions-là, pas de métiers reconnus alors que cela correspond à un besoin depuis la loi 2005 sur la scolarisation et le handicap : cela relève pourtant d’une mission de service public. Mais pour nous, c’est le retour à Pôle Emploi.
Je trouve scandaleux que l’on recrute des contrats de droit privé très précaires au sein de l’Éducation Nationale : c’est la casse de tous les statuts de la fonction publique. C’est la casse aussi des contrats dans le secteur privé, casser le Code du Travail, toujours envisager le coût du travail vers le bas. On s’en fout des gens, on s’en fout des élèves !
Pour vous, poursuivre aux Prud’hommes relève de quelle stratégie ?
L’intérêt est de faire reconnaître ses droits individuellement et collectivement, et dénoncer cette politique de l’emploi. C’est vraiment un combat politique ; c’est important de lutter pour les services publics, l’Éducation Nationale. Ils ont recruté 100 000 EVS : ce seront 100 000 licenciements déguisés. Ils se retrouveront en fin de droit. Qu’est-ce que cela veut dire ? Fin de droit d’avoir un salaire décent ? De travailler ? C’est ahurissant !
Il est étonnant d’ailleurs qu’il aient fait appel au droit privé parce qu’il permet de mieux se défendre que le droit public, plus compliqué. Les AVS n’ont pas cette possibilité.
Il y a un projet de privatisation qui s’est généralisé dans tous les services publics (Pôle Emploi, hôpitaux) et dès qu’ils peuvent employer au rabais, ils le font. Hollande veut créer 15 000 emplois aidés soi-disant pour lutter contre le chômage et la précarité : on se moque de qui là ? Ils tombent dans la contradiction totale.
Est-ce que le collectif va se réduire à la question des Prud’hommes ?
Il faudrait envisager une grève générale des EVS. Nous avons besoin du soutien des parents qui ne comprennent pas encore comment sont pris en charge les enfants. Les titulaires ont tout intérêt aussi à comprendre qu’il faut défendre tous les types de précaires. Mais cette prise de conscience n’est pas faite. Les enseignants s’en foutent : c’est super corporatif. Les EVS sont totalement transparents, ou cela ne crée que de la compassion. Il faut la titularisation sans condition de tous les précaires et une réelle formation. Si on nous a pris durant deux ans, c’est qu’on fait déjà l’affaire.
Jean-Claude
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