On assiste ces derniers temps, dans l’État du Chiapas, à une forte recrudescence de la guerre contre le mouvement zapatiste. Celle-ci progresse implacablement, notamment dans les régions et villages où les partisans de l’EZLN ne sont pas majoritaires.
Les agressions sont perpétrées par des groupes paramilitaires, constitués sous le couvert des autorités gouvernementales et dans le but de mettre en œuvre la fameuse stratégie de « guerre de basse intensité ». Il est fréquent que des individus soient recrutés dans les communautés indigènes : paysans ruinés par les néfastes programmes gouvernementaux, leur dénuement se voit compensé par l’attribution d’armes et d’argent, s’ils veulent bien mener des attaques contre les familles zapatistes.
Ces agressions sont d’autant plus violentes qu’on leur promet les terres occupées par les zapatistes, s’ils parviennent à les faire partir. De nombreux témoignages, cet été, ont fait état de ce déchaînement. Des communautés comme celle de San Marcos Avilés, où les familles zapatistes, minoritaires, ont fait l’objet de très graves exactions parce qu’elles ont mis en place une école autonome, ou encore à San Patricio, ont été le théâtre de ces violences : destructions de maisons, clôtures, cultures, locaux communautaires, vols, menaces, coups de feu, etc.
Cette violence se voit également justifiée par le contexte de « guerre contre le narcotrafic », mise en place en 2007 par Felipe Calderón et dont le bilan funeste (plus de 60.000 morts) prouve l’inutilité. En effet, la lutte contre les cartels est le prétexte utilisé pour nettoyer les campagnes des populations « gênantes » : communautés indigènes, populations qui s’opposent à l’implantation massive de mines à ciel ouvert, aux méga-projets en tous genres : touristiques (y compris « éco-touristiques »), agricoles (pour l’agro-industrie et l’exportation), énergétiques…
L’actuelle transition entre le PAN et le PRI représente une menace supplémentaire de destruction et de terreur contre l’ensemble de la société mexicaine. Le Mexique, par les richesses qu’il recèle, mais aussi à cause de la vigueur des résistances, est une région clef, où des enjeux politiques, économiques et sociaux vont se jouer dans les mois à venir. La voix des indigènes se fait entendre, comme une alternative urgente face au capitalisme : « désertez le système qui nous détruit tous, récupérez les moyens de vivre dignement, reprenez vos destins en mains. Joignons nos résistances… »
En continuant, dans ces conditions extrêmes, de construire leur autonomie, de proposer une autre forme d’organiser la société pour dépasser les enjeux et l’arbitrariété du pouvoir, et de refuser aussi bien la propriété privée sur la terre que l’esclavage salarié, les zapatistes font leur part du travail.
Seuls, ils ne s’en sortiront pas. Nous non plus.
Jean-Pierre Petit-Gras