Droit au logement et action directe

Plus de 200 per­sonnes deman­deuses d’asile sont dans une dizaine de réqui­si­tions faites par le DAL35 (Droit Au Logement). Elles étaient à la rue faute de loge­ment, céli­ba­taires, couples, femmes enceintes, familles avec enfants sou­vent en bas âge.

Ce sont des étran­gers qui se concentrent sur Rennes car c’est ici qu’ils ont à effec­tuer leurs démarches admi­nis­tra­tives : ils ont un ren­dez-vous obli­ga­toire à la pré­fec­ture (le délai d’at­tente est de trois mois parce qu’ils sont nom­breux et parce qu’une prise d’empreinte est néces­saire par la seule borne Eurodac de toute la Bretagne). La borne Eurodac per­met de contrô­ler que le migrant est bien arri­vé direc­te­ment en France sans tran­si­ter par un autre pays euro­péen (espace Schengen et accord Dublin II). C’est seule­ment par la suite qu’un ren­dez-vous peut être pris pour reti­rer un dos­sier, une demande d’asile le plus sou­vent. Entre temps, il faut vivre ou plu­tôt sur­vivre et les ser­vices d’accueil sont sub­mer­gés.

Ils se concentrent : il y a appel d’air dira-t-on ! Ils affluent, ils sont de plus en plus nom­breux, pen­se­ra-t-on !

En réa­li­té, l’État crée déli­bé­ré­ment cette concen­tra­tion par ce qu’il appelle (en nov­langue) la régio­na­li­sa­tion : il a éli­mi­né en Bretagne toutes les pla­te­formes d’accueil (Saint-Brieuc, Quimper…) sauf celle de Rennes. Il a dimi­nué de sur­croît les sources d’hébergement de moi­tié. Beaucoup de monde à la rue. La Croix-Rouge s’en est plainte ! Trop de misère à gérer, sur­tout étran­gère ! L’hébergement d’urgence – le 115 pour une, deux ou trois nuits – est satu­ré alors qu’il ne devait pas à l’origine s’occuper des étran­gers. Les ser­vices se dégradent et le racisme se nour­rit de cette gabe­gie.

Que faire ? Le Collectif de Soutien aux Personnes Sans-Papiers avait orga­ni­sé des occu­pa­tions d’institutions amies car dites de gauche : elles avaient per­mis l’hébergement de quelques dizaines de per­sonnes. Cela n’a duré qu’un temps ! Depuis lors, la muni­ci­pa­li­té a bien chan­gé : elle ne pro­po­se­ra plus que quelques nui­tées d’hôtel par huma­nisme pour les femmes et les enfants, régres­sant dans l’abjection des pra­tiques xéno­phobes domi­nantes à droite et à gauche. Fondamentalement, la muni­ci­pa­li­té socia­liste s’entend avec la pré­fec­ture de droite extrême. À cha­cun ses com­pé­tences dit la mai­rie pour se déga­ger de ses res­pon­sa­bi­li­tés, car c’est à l’État de loger les étran­gers. La pré­fec­ture ne dit rien parce qu’elle est dans l’illégalité ou parle d’appel d’air et de manque de moyens !

C’est un sta­tu quo qui ali­mente la misère et admet que des êtres humains soient à la rue.

Face aux carences de l’État, le DAL35 s’est orga­ni­sé pour effec­tuer des réqui­si­tions. Agir de manière illé­gale pour répondre à un droit fon­da­men­tal, celui du loge­ment pour tou-te‑s, sans dis­tinc­tion aucune, fran­çais ou étran­gers. L’illégalité au nom de la légi­ti­mi­té.

Des appar­te­ments, des mai­sons, un ancien funé­ra­rium, un bâti­ment de l’État ont été réqui­si­tion­nés par les mili­tants du DAL35 depuis sa créa­tion, une quin­zaine en deux ans et demi d’existence. Un rap­port de force s’est éta­bli en ren­dant visible un état de fait. Il s’agit d’action directe et cela abou­tit à des résul­tats. Ainsi, l’ancien funé­ra­rium rue Louis Postel a pu être fer­mé parce que la mai­rie ne sup­por­tait pas qu’un tau­dis ait été média­ti­sé au cœur même de Rennes – cela per­tur­bait l’image de marque de la Ville. Les 80 rési­dents ont été relo­gés par la mai­rie, mais la pré­fec­ture n’a pas tenu sa parole de les pla­cer en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) immé­dia­te­ment . Encore aujourd’hui, une qua­ran­taine sont encore en attente dans ce qui est deve­nu len­te­ment et péni­ble­ment le COORUS, c’est à dire des héber­ge­ments d’urgence ima­gi­nés par la mai­rie pour se dédoua­ner de son incom­pé­tence.

Puis ce fut le 25 février 2011, un bâti­ment appar­te­nant à l’État, de 600 m2 avec 8000 m2 de ter­rain, réqui­si­tion­né pour loger 150 per­sonnes. La pré­fec­ture ten­ta une pro­cé­dure d’expulsion avec la com­pli­ci­té du tri­bu­nal de grande ins­tance, contrée pour un temps par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui exi­geait des réponses sur le trai­te­ment fait aux per­sonnes et à leur droit. L’État était ain­si pla­cé devant ses propres obli­ga­tions. Or, l’expulsion a eu lieu le 2 mai : un déploie­ment de plus de 150 CRS, un contrôle sys­té­ma­tique des iden­ti­tés, dans le mépris le plus total du droit, y com­pris de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. L’État a sa rai­son que la rai­son doit ne pas connaître.

Des per­sonnes, des céli­ba­taires et des familles, avaient été logées dans des hôtels en vue de leur loge­ment en CADA (dixit la pré­fec­ture). Même pro­messe, même men­songe : toutes ces per­sonnes ( à l’exception de trois familles ) se sont retrou­vées à la rue dés le 15 juin !

Le DAL35 conti­nue son tra­vail de har­cè­le­ment en s’attaquant à des rési­dences appar­te­nant à Rennes Métropole, démon­trant qu’il y a des loge­ments vides par­tout et que les auto­ri­tés peuvent très bien ouvrir ces lieux pour loger tout le monde.

Ce que démontre le DAL35 est que l’action directe est l’arme la plus effi­cace, c’est que des indi­vi­dus orga­ni­sés peuvent affron­ter l’État et le mettre en situa­tion de fai­blesse. Le rap­port de force se fait sans vio­lence par des actions radi­cales, l’ouverture de réqui­si­tions qui per­mettent d’héberger les per­sonnes pen­dant plu­sieurs mois. L’action poli­tique réponds alors à l’urgence huma­ni­taire, l’action illé­gale se sert de l’outil juri­dique et judi­ciaire.

Car il s’agit de faire res­pec­ter un droit fon­da­men­tal qui est le loge­ment pour tou-te‑s !

La CNT35 conti­nue­ra à sou­te­nir le DAL35. et par­ti­ci­pe­ra à leurs actions, comme elle s’opposera aus­si à la spé­cu­la­tion immo­bi­lière actuelle qui fait qu’il y a 8000 loge­ments vides dans le dépar­te­ment et des per­sonnes mal-logées ou à la rue.

Jean-Claude /​image : Louis-François

Pour plus d’information : http://dal35.blogspot.comCe lien vous fait quit­ter le site.