Conventions collectives de la branche sanitaire et du social

Le tra­vail dans le sec­teur sani­taire et social est régi par des conven­tions col­lec­tives qui garan­tissent les droits des tra­vailleurs. La Branche des Associations du Sanitaire et du Social (BASS) a été for­mel­le­ment créée en 1993 par les orga­ni­sa­tions patro­nales et les syn­di­cats de sala­riés pour faci­li­ter le pari­ta­risme du sec­teur. Les dif­fé­rentes conven­tions de cette branche sont atta­quées une à une par les syn­di­cats d’employeurs depuis plu­sieurs années. Que ce soit la conven­tion régis­sant les éta­blis­se­ments accueillant des per­sonnes han­di­ca­pées ou celles régis­sant les tra­vailleurs auprès des per­sonnes sans domi­cile, l’ob­jec­tif reste le même : réduire le coût du tra­vail.

L’expérience des col­lègues de l’ADMR1 le montre. La remise en cause de leur conven­tion est déjà en cours et balaye les acquis de longue lutte. Celle des CCLC2 a pris le même che­min.

Depuis 2009, les pro­fes­sion­nels de l’ac­tion sociale et de la san­té tra­vaillant sous le régime des conven­tions col­lec­tives 51 et 66 se sont bat­tus côte à côte pour défendre l’en­semble des condi­tions qu’elles garan­tissent. Au-delà de la défense des acquis, des mots d’ordre com­muns d’a­mé­lio­ra­tion des salaires ont éga­le­ment été por­tés tant au niveau local que natio­nal.

La remise en cause offi­cielle de la conven­tion 51 par le syn­di­cat FEHAP3 et la répres­sion qui a été mise en place lors des mani­fes­ta­tions uni­taires, notam­ment à Lyon, doivent nous pous­ser à res­ter vigi­lants et à nous infor­mer sur l’ac­tua­li­té des négo­cia­tions de chaque conven­tion.

Les conven­tions col­lec­tives du sec­teurs sani­taires et sociales.

Les der­nières années ont vu se pro­duire des chan­ge­ments inat­ten­dus, pour ne pas dire inédits, dans le sec­teur social : les sala­riés se mobi­lisent.

Ces mou­ve­ments ne sont hélas pas réa­li­sés en vue d’exi­ger des amé­lio­ra­tions mais pour défendre ce qui existe. Pourtant depuis le 1er juillet 2012, des sala­riés de cer­taines conven­tions, du fait du blo­cage de la révi­sion du point d’in­dice, se trouvent embau­chés sur une base se situant en des­sous du SMIC. Ce fait aber­rant découle d’un blo­cage de fond entre « ins­tances (dites) repré­sen­ta­tives du per­son­nel » et repré­sen­tants des employeurs.

Je vais m’attacher à vous retra­cer l’his­to­rique de ces conven­tions, ras­sem­blées sous le terme de Convention BASS, faire un petit point sur les mobi­li­sa­tions qui ont eu lieu depuis main­te­nant quatre ans, pour ter­mi­ner sur les pers­pec­tives de l’an­née à venir…

Le sec­teur sani­taire et social a une longue his­toire. Elle est com­po­sée de l’histoire des hôpi­taux, éta­blis­se­ments pri­vés pour accueillir « les pauvres, les men­diants et inva­lides natifs des lieux, comme aus­si les enfants orphe­lins ou nés de parents men­diants »,4 créés et gérés par des asso­cia­tions, des œuvres ou des fon­da­tions.

Globalement deux cou­rants vont se croi­ser : celui des congré­ga­tions reli­gieuses, qui vont créer de nom­breux éta­blis­se­ments de soins béné­fi­ciant de la fai­blesse du dis­po­si­tif public, et celui du mutua­lisme qui se déve­loppe en Europe entre les deux guerres, en lien avec le syn­di­ca­lisme et la construc­tion des droits sociaux pour les tra­vailleurs. Ce der­nier cou­rant sou­haite lut­ter contre les inéga­li­tés pro­duites par le capi­ta­lisme, ce que l’État est inca­pable de faire. Ainsi en 1864, la Croix-Rouge Française est créée et devien­dra asso­cia­tion loi 1901. La FEHAP5 est créée quant à elle, en 1936. Elle fédère des asso­cia­tions, des congré­ga­tions, des orga­nismes mutua­listes et des fon­da­tions gérant des éta­blis­se­ments sani­taires, sociaux et médi­co-sociaux non lucra­tifs.

Mais ce n’est qu’après la deuxième guerre mon­diale que le sec­teur va d’abord se struc­tu­rer puis se pro­fes­sion­na­li­ser, le sala­riat rem­pla­çant le béné­vo­lat.

Dès l’après-guerre, le sec­teur va se consti­tuer en tant que tel. Les asso­cia­tions vont très vite se struc­tu­rer et les éta­blis­se­ments seront agréés en 1954. Dès 1945, sont créés les CRLCC6 éta­blis­se­ments de san­té pri­vés à but non lucra­tif et de carac­tère hos­pi­ta­lo-uni­ver­si­taire, par­ti­ci­pant au ser­vice public hos­pi­ta­lier. La même année une ordon­nance ins­ti­tue l’UNAF7 et les UDAF8, avec le sta­tut d’as­so­cia­tion loi de 1901, recon­nue d’u­ti­li­té publique, réunis­sant exclu­si­ve­ment des per­sonnes morales. L’UNAF9 se voit confier le mono­pole de la repré­sen­ta­tion des familles. En 1946 les ARSEA10 se regroupent dans l’Union des Associations Régionales. Les URIOPSS11, qui se regrou­pe­ront en Union Nationale Inter-fédé­rale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux8, voient le jour en 1947. L’année d’après c’est l’UNARSEA12 qui est créée. En 1960 c’est la nais­sance de l’UNAPEI13.

Cette struc­tu­ra­tion s’accompagne et se pro­longe d’une qua­li­fi­ca­tion et donc d’une pro­fes­sion­na­li­sa­tion. L’histoire du sec­teur devient celle des rela­tions entre les sala­riés et les employeurs. Les lois sur les conven­tions col­lec­tives libre­ment négo­ciées datant de 1946 et 1950 vont ser­vir de base pour les négo­cia­tions entre ceux-ci. Des conven­tions col­lec­tives et des accords vont donc être signés entre les nou­veaux patrons et les orga­ni­sa­tions de sala­riés (syn­di­cats ou pas), ces conven­tions ayant des champs d’application qui se recoupent. En 1951 la FEHAP14 signe la conven­tion col­lec­tive des éta­blis­se­ments pri­vés d’hos­pi­ta­li­sa­tion, de soins, de cure et de garde à but non lucra­tif (appe­lée CC51). En 1952 La Croix-Rouge signe une conven­tion qui lui est propre. En 1958 après des négo­cia­tions enta­mées quatre ans plus tôt l’UNASEA15 et l’ANEJI16 signent un accord cal­qué sur l’éducation sur­veillée.

Pour pou­voir négo­cier ces conven­tions col­lec­tives, les asso­cia­tions d’employeurs vont créer des syn­di­cats. En 1962, l’UNASEA17 va créer le SNASEA18 et l’UNIOPSS19 va créer le SOP20, deux syn­di­cats regrou­pant des asso­cia­tions. C’est l’échec d’une entente entre le SOP21, le SNASEA22 et la FEHAP23 pour l’intégration de l’ensemble du sec­teur dans la CC51 qui va enga­ger le SNASEA24 et le SOP25 dans des négo­cia­tions menant à la conven­tion col­lec­tive natio­nale de tra­vail des éta­blis­se­ments et ser­vices pour per­sonnes inadap­tées et han­di­ca­pées de 1966 (appe­lée CCN66).

Côté sala­rié, l’ANEJI26, orga­ni­sa­tion de pro­fes­sion­nels concur­rente du syn­di­ca­lisme, va se créer en 1947. Jusqu’aux années 1960, elle va occu­per l’en­semble du ter­rain pro­fes­sion­nel, de la défi­ni­tion du métier jus­qu’à des négo­cia­tions abou­tis­sant à la signa­ture d’ac­cords col­lec­tifs de tra­vail. Mais n’étant pas un syn­di­cat elle ne pour­ra pas signer de conven­tion col­lec­tive. Dès le début des années 50, de façon lente et pro­gres­sive, vont se consti­tuer des sec­tions syn­di­cales puis des syn­di­cats régio­naux et natio­naux, affi­liés à des confé­dé­ra­tions ou auto­nomes. Trois cou­rants dominent alors la syn­di­ca­li­sa­tion : le déve­lop­pe­ment de la CGT par des sala­riés anciens ouvriers ou d’o­ri­gine ouvrière, la consti­tu­tion du SAPEEI27 (qui rejoin­dra la CGT-FO en créant sa fédé­ra­tion san­té social) et l’existence de quelques sec­tions affi­liées à la CFTC puis CFDT.

Au début des années 70 et jusqu’en 1975 vont avoir lieu des négo­cia­tions d’harmonisation dans le but de créer une conven­tion col­lec­tive unique, avec la signa­ture de plu­sieurs textes com­muns (droit syn­di­cal, délé­gués du per­son­nel et CE, condi­tions de recru­te­ment de licen­cie­ment, exé­cu­tion du contrat de tra­vail). Une rup­ture va se pro­duire et pro­vo­quer l’échec de ces négo­cia­tions, avec la demande d’étendre les congés sup­plé­men­taires de la CCN66 aux autres conven­tions.

Toutefois c’est en 1972 que PROMOFAF, orga­nisme de for­ma­tion qui devien­dra UNIFAF, va être créé par une conven­tion signée par trois syn­di­cats employeurs (FEHAP28, SNASEA29, SNAPEI30) et les cinq orga­ni­sa­tions syn­di­cales repré­sen­ta­tives de sala­riés. La loi de 1975 pro­mulgue l’agrément des accords par le minis­tère des affaires sociales ce qui va modi­fier la façon de négo­cier. De 1975 à 1993, les dif­fé­rentes conven­tions vont être amé­na­gées, sou­vent à la baisse sous la pres­sion de la crise et des dif­fi­cul­tés finan­cières. En 1993, face au dan­ger encou­ru par les éta­blis­se­ments les cinq syn­di­cats patro­naux du sec­teur (la FEHAP31, la FNCLCC32 1ère Présidence, le SNASEA33 ; la FEGAPEI34 et le SOP35) vont s’unir et créer l’UNIFED36, afin de pou­voir signer des accords de branche. Ils seront rejoints par la Croix-Rouge en 1997. L’UNAF37 rejoin­dra l’UNIFED38 en 2000 avant d’adhérer au SNASEA39.

Au cours des années 90 et 2000 les com­mis­sions et orga­nismes pari­taires vont se mettre en place. Plus de qua­rante accords ont été signés depuis 1996 entre l’UNIFED40 et les cinq confé­dé­ra­tions de sala­riés. En 1999 la loi des 35h est l’occasion pour les patrons de déclen­cher de nou­velles négo­cia­tions… A par­tir de 2001, l’UNIFED41 va s’associer avec l’USGERES42 et le GEMA43 pour s’organiser au niveau du sec­teur de l’économie soli­daire.

Va-t-on vers une mobi­li­sa­tion uni­taire ? Les syn­di­cats dits « repré­sen­ta­tifs » des sala­riés ont com­men­cé à par­ler d’une seule voix. Pour la pre­mière fois ils ont dits non ensemble aux pro­po­si­tions inad­mis­sibles for­mu­lées par les syn­di­cats d’employeurs.

Le 28 août 2012, les négo­cia­tions pari­taires dans la CC51 ont pris fin. Toutes les orga­ni­sa­tions syn­di­cales des sala­riés pré­sentes à la table des négo­cia­tions ont reje­té les pro­po­si­tions patro­nales. La FEHAP44 est main­te­nant seule pour déci­der de l’avenir des sala­riés de cette conven­tion. Elle a rom­pu uni­la­té­ra­le­ment les dis­cus­sions, sans attendre leur terme pré­vu au 1er décembre 2012. Le risque est aujourd’­hui de voir appa­raître une recom­man­da­tion patro­nale qui se sub­sti­tue­rait à l’ac­tuelle CC51, si le minis­tère lui donne son agré­ment. Après une cari­ca­ture de négo­cia­tions, les patrons de la FEHAP45 n’ont obte­nu aucune signa­ture des syn­di­cats de sala­riés mal­gré les pres­sions. Ils ont fixé de façon uni­la­té­rale le terme de la négo­cia­tion au 3 sep­tembre 2012, et déci­dé de pro­po­ser une recom­man­da­tion patro­nale à la com­mis­sion d’agrément du minis­tère. Ce texte n’a pas été com­mu­ni­qué aux orga­ni­sa­tions syn­di­cales des sala­riés.

L’accord patro­nal por­te­ra sur l’en­semble des points sui­vants :

  • Le dérou­le­ment de car­rière : nou­veau barème créant des éco­no­mies à court terme pour les employeurs.
  • La majo­ra­tion spé­ci­fique des cadres : pas­sage d’é­che­lon plus rapide pour ceux qui répon­dront le mieux aux exi­gences de leur hié­rar­chie.
  • La reprise de l’an­cien­ne­té : c’é­tait 100{081db73569529f03096b4b085960e98f7e705f5c7932bc52f24c4d822157cde2} quand quel­qu’un arri­vait dans un éta­blis­se­ment et avait déjà exer­cé ailleurs dans un éta­blis­se­ment régit par la CC51. La recom­man­da­tion patro­nale est de 30{081db73569529f03096b4b085960e98f7e705f5c7932bc52f24c4d822157cde2}, encore une belle éco­no­mie.
  • La pro­mo­tion pro­fes­sion­nelle : un sala­rié pro­mu accé­dait au coef­fi­cient de base du nou­veau métier, mais gar­dait sa prime d’an­cien­ne­té. Demain la prime d’an­cien­ne­té repar­ti­ra de zéro.
  • La récu­pé­ra­tion des jours fériés : les fériés tra­vaillés ou tom­bant sur un jour de repos étaient récu­pé­rés. Demain les fériés sur un temps de repos ne le seront plus.
  • Les allo­ca­tions de départ à la retraite : aujourd’­hui c’est 6 mois de salaire pour 25 ans d’an­cien­ne­té. Dans deux ans il fau­dra 35 ans d’an­cien­ne­té pour accé­der à la même prime. Un nou­vel éche­lon hypo­thé­tique de 40 ans d’an­cien­ne­té serait créé mais ne sera jamais atteint : per­sonne ne peux pré­tendre tenir 40 ans sur une même struc­ture.
  • Indemnités de licen­cie­ment : sup­pres­sion de l’ar­ticle qui per­met­tait aux cadres et non cadres de béné­fi­cier d’indemnités plus favo­rables que celles pré­vues par le droit du tra­vail, encore une éco­no­mie à court terme…
  • Le paie­ment des rem­pla­ce­ments : le rem­pla­ce­ment d’un sala­rié plus qua­li­fié ame­nait un trai­te­ment indem­ni­taire fonc­tion de l’an­cien­ne­té. Je rem­place un col­lègue plus qua­li­fié : je touche une rému­né­ra­tion qui équi­vaut à sa qua­li­fi­ca­tion, mais aus­si fonc­tion de mon ancien­ne­té. Demain cette règle dis­pa­raî­tra.
  • Les attri­bu­tions des délé­gués du per­son­nel : les délé­gués du per­son­nel étaient infor­més des licen­cie­ments pour motif dis­ci­pli­naire avant l’exé­cu­tion de la déci­sion. Ce ne sera plus le cas. Or on le sait, rien de plus simple que de trou­ver une faute grave pour un employeur lors­qu’il cherche à se débar­ras­ser d’un sala­rié gênant.
  • La pro­cé­dure dis­ci­pli­naire : L’article de la CC51 (art05.03.2) cou­vrait les sala­riés des licen­cie­ments rapides et injustes. Sauf en cas de faute grave, aucun licen­cie­ment ne pou­vait être envi­sa­gé sans qu’il y ait eu au moins deux sanc­tions. Le retour au Code du Travail sup­prime cet article. Cela entraîne le fait que les sala­riés ne pour­ront plus se faire accom­pa­gner pour un entre­tien dis­ci­pli­naire, sauf en cas de licen­cie­ment.
  • L’information des délé­gués syn­di­caux en cas de licen­cie­ment pour motif éco­no­mique : sup­pres­sion encore une fois de cet article. Un bon moyen de contour­ner les syn­di­cats dans une période où la pres­sion sur les finances des asso­cia­tions est de plus en plus forte de la part des Agences Régionales de Santé46.
  • Le cal­cul des heures sup­plé­men­taires : cer­tains sala­riés béné­fi­ciaient d’heures sup­plé­men­taires à 100{081db73569529f03096b4b085960e98f7e705f5c7932bc52f24c4d822157cde2} la nuit, les dimanches et jour fériés. Les patrons tirent vers le droit du tra­vail clas­sique : 25{081db73569529f03096b4b085960e98f7e705f5c7932bc52f24c4d822157cde2} de la 71ème heure à la 86ème heure et 50{081db73569529f03096b4b085960e98f7e705f5c7932bc52f24c4d822157cde2} au-delà de la 86ème heure. Ceci entraîne une perte de reve­nu impor­tante pour ces sala­riés, qui béné­fi­ciaient d’une mesure com­pen­sa­trice de leur condi­tion de tra­vail.
  • Les col­lèges élec­to­raux : des métiers non cadres étaient clas­sés dans le col­lège cadre et aug­men­taient donc la repré­sen­ta­ti­vi­té de ce col­lège. Ce ne sera plus le cas. Encore une fois il s’a­git là de tra­vailler un écart entre équipe de mana­ge­ment et employé de ter­rain.
  • La prime décen­tra­li­sée : cette prime sera sou­mise aux accords d’en­tre­prise. Si le rap­port de force n’est pas en faveur des sala­riés, le cal­cul res­te­ra le même que pré­cé­dem­ment.
  • L’intégration des nou­veaux métiers : ce point n’a fina­le­ment pas été mis en révi­sion et est donc repor­té…

Même si le bilan sur la pro­po­si­tion patro­nale FEHAP47 est quelque peu dif­fi­cile a sai­sir, une seule logique se détache. Les éta­blis­se­ments régis par la CC51 sont aujourd’­hui finan­cés par les Agences Régionales de Santé48. Le dik­tat de la Révision Générale de la Politique Publique (RGPP) est pas­sé par là, sui­vie de près par la loi Bachelot – Hôpital, Patient Santé Territoire (HPST). Il faut faire des éco­no­mies. Les syn­di­cats d’employeurs en bons sol­dats répondent aux ordres. Ils attaquent de front les acquis des sala­riés.

La posi­tion de la CNT Santé-social, une posi­tion construite avec les syn­di­qués et les non syn­di­qués

Pour celles et ceux qui dou­taient encore de la néces­si­té de lut­ter contre les attaques du patro­nat, la jour­née de mobi­li­sa­tion du 6 octobre 2011 à Lyon fait office de violent retour à la réa­li­té. En effet, trois sala­riées ont été griè­ve­ment bles­sées. La rai­son : des vio­lences poli­cières abso­lu­ment injus­ti­fiées com­man­dées par les patrons de la FEHAP49, tota­le­ment sourds face aux reven­di­ca­tions légi­times des sala­riés.

Lors de ces jour­nées, Mme Nora Berra, Secrétaire d’État à la Santé, était conviée à venir pro­non­cer un dis­cours. Son « émo­tion » se tra­duit par une unique phrase : « Je sou­haite avant de com­men­cer témoi­gner de ma tris­tesse et mon émo­tion pour les trois per­sonnes vic­times de l’accident grave qui s’est dérou­lé hier pen­dant la mani­fes­ta­tion. »50

S’en suivent douze pages de bla­bla éco­no­mi­co-finan­cier tota­le­ment creux, sans aucune orien­ta­tion poli­tique claire en faveur du sec­teur. Pour exemple : « Les res­sources finan­cières publiques en matière de san­té et plus glo­ba­le­ment de pro­tec­tion sociale ne sont pas sans limites, d’autant que la conjonc­ture éco­no­mique actuelle nous oblige à opti­mi­ser les moyens exis­tants. »51 Notons éga­le­ment que des mots comme « sala­riés » ou « condi­tions de tra­vail » ne sont pas pro­non­cés une seule fois.

Tout est dit. Pour le patro­nat et l’État, l’heure est à « l’op­ti­mi­sa­tion » ! Refusons la fata­li­té et dénon­çons les pra­tiques capi­ta­listes et sécu­ri­taires appli­quées au sec­teur. Aujourd’hui, après la dénon­cia­tion de la CC51, les syn­di­cats employeurs semblent s’apprêter à dénon­cer la CCN6652. En effet, le 7 décembre est la date limite pour le cadre de la révi­sion de la CCN66 fixée par les syn­di­cats patro­naux (FEGAPEI53 et SYNEAS54). Le SYNEAS55 reven­dique « l’exclusivité d’un pro­jet struc­tu­ré autour d’une logique d’ensemble »56, une manière claire de dire que ne sont valables que les seules pro­po­si­tions patro­nales, fai­sant fi des reven­di­ca­tions des sala­riés !

La stra­té­gie de la FEGAPEI57, quant à elle, est de signi­fier le 7 décembre l’échec des négo­cia­tions et donc de se diri­ger tout droit vers la dénon­cia­tion de la conven­tion. Position que le SYNEAS58 ne man­que­ra pas d’ap­prou­ver ! Voilà un bel exemple de « soli­da­ri­té patro­nale » et de « tra­vail d’é­quipe » dans un seul but : détruire les acquis sociaux dure­ment obte­nus depuis les années 60 des 570 000 sala­riés du sani­taire, du médi­co-social et du social.

12 pro­po­si­tions concrètes pour une lutte sala­riale vic­to­rieuse !

  • Salaire mini­mum conven­tion­nel de 1500 euros nets.
  • Revalorisation des indices d’entrée et rat­tra­page du pou­voir d’achat.
  • Intégration de l’IRTT (Indemnité de la Réduction du Temps de Travail) et inté­gra­tion de toutes les primes au salaire.
  • Progression de car­rière égale à 20 points d’ancienneté tous les 2 ans pen­dant 36 ans.
  • Les écarts entre les hauts et les bas salaires doivent être rame­nés de 5 à 3.
  • Pas de part variable qui intro­dui­rait le salaire au mérite.
  • Grille unique de salaire appli­cable à tous les sala­riés, y com­pris les cadres.
  • Âge du départ à la retraite volon­taire à 60 ans avec le ver­se­ment d’une indem­ni­té de départ à hau­teur des 6 der­niers mois.
  • Réduction du temps de tra­vail, sans perte de salaire.
  • Refus de la pré­ca­ri­sa­tion de l’emploi, avec, l’embauche en CDI des nom­breux per­son­nels en CDD en place dans tous les éta­blis­se­ments.
  • Ancienneté reprise quelque soit le sec­teur d’ac­ti­vi­té pour les sala­riés ayant les diplômes ou la qua­li­fi­ca­tion.
  • Maintien et élar­gis­se­ment des congés tri­mes­triaux.

Ces reven­di­ca­tions ne sont pas figées. Elles ont été construites en concer­ta­tion avec l’en­semble de la fédé­ra­tion CNT Santé-social. Cette base, loin d’être uto­pique et éloi­gnée des besoins de ter­rain doit être por­tée par le plus grand nombre.

Rappelons que le tra­vail sani­taire et social, et donc les conven­tions col­lec­tives, ont un finan­ce­ment public (par les sub­ven­tions ver­sées aux dif­fé­rentes asso­cia­tions notam­ment). Défendre les conven­tions va donc de paire avec la défense du ser­vice public, la pro­tec­tion et le main­tien de la sécu­ri­té sociale, sans se leur­rer sur un hypo­thé­tique enga­ge­ment de l’État poli­tique pour aller cher­cher l’argent là où il se trouve !

Il y a ici deux logiques qui s’af­frontent, basées sur des inté­rêts de classes oppo­sés. Les employeurs du sec­teur sani­taire et social en s’a­li­gnant sur la logique libé­rale, ges­tion­naire, mana­gé­riale, révèlent leur appar­te­nance à une classe sociale domi­nante. Elle s’op­pose à la fois aux inté­rêts des tra­vailleurs et à une cer­taine concep­tion de l’ac­tion sani­taire et sociale. Ils mettent fin ain­si à l’illu­sion, au leurre que le tra­vail social est seule­ment basé sur un inté­rêt com­mun à tous avec des valeurs huma­nistes. Ils montrent clai­re­ment que c’est un moyen pour la classe sociale domi­nante d’ob­te­nir la paix sociale par le contrôle.

De leur côté, et mal­gré une his­toire chao­tique, les fédé­ra­tions de syn­di­cats d’employeurs tentent d’ac­cor­der leurs vio­lons afin d’é­crire une conven­tion unique qui n’en dou­tont pas sera au rabais. Les pistes avan­cées dans la pro­po­si­tion du SYNEAS59 pour révi­ser la CCN66 était notam­ment de mettre en place des délais de carence en cas d’arrêt mala­die60, la perte des congés tri­mes­triaux, l’é­vo­lu­tion de la grille d’ancienneté entraî­nant une lourde perte finan­cière sur une car­rière entière et creu­sant encore plus les inéga­li­tés entre cadre et non-cadre, tra­vailler sur la mise en place de salaire indi­vi­dua­li­sé en intro­dui­sant une part variable a dis­cré­tion des supé­rieurs. Ces attaques s’o­rientent vers une vision mana­gé­riale du tra­vail social.

Une étude menée par une délé­guée syn­di­cale CGT au sein d’une asso­cia­tion ren­naise montre l’ap­pau­vris­se­ment glo­bale des sala­riés. Un sala­rié peut actuel­le­ment com­men­cer sa car­rière en CCN66 en des­sous du SMIC. Le blo­cage du point d’in­dice depuis 2010, sa faible évo­lu­tion depuis 2008, entraînent une réelle pau­vre­té des sala­riés ayant de faibles qua­li­fi­ca­tions. Les asso­cia­tions com­pensent actuel­le­ment sur leur fond propre cette situa­tion d’illé­ga­li­té sans tou­jours avoir les moyens ver­sés par leurs finan­ceurs.

Et la conven­tion col­lec­tive 66, où en sommes-nous ? Après l’échec des négo­cia­tions sur le der­nier pro­jet patro­nal por­té par le syn­di­cat employeur SYNEAS61, les négo­cia­tions se sont arrê­tées. La FEGAPEI62, autre orga­ni­sa­tion patro­nale, indique clai­re­ment vou­loir tra­vailler dans le cadre d’une conven­tion col­lec­tive uni­fiée.

N’en dou­tons pas : si la dénon­cia­tion de la CC51 est effec­tive et vali­dée par l’État au 2 décembre 2012, cette pro­po­si­tion qui est celle d’un seul syn­di­cat d’employeur, les patrons des autres conven­tions de la Branche des Associations Sanitaires et Sociales (BASS) n’hé­si­te­ront plus à por­ter la même esto­cade.

Déjà dans l’ensemble de la branche, les accords locaux, les accords RTT sont sys­té­ma­ti­que­ment remis en cause, dénon­cés par les patrons. Partout on restruc­ture, absorbe, fusionne. Des éta­blis­se­ments et des ser­vices ferment, avec leurs lôts de licen­cie­ments, de dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail. À cela il faut ajou­ter le blo­cage des salaires et des salaires mini­mum conven­tion­nels, rat­tra­pés et dépas­sés par le SMIC pour cer­taines caté­go­ries.

Les employeurs pour­suivent leurs attaques sur les conven­tions en créant et rému­né­rant des caté­go­ries de tra­vailleurs en des­sous des grilles mini­mum conven­tion­nelles, en déqua­li­fiant des emplois, en favo­ri­sant la com­pé­ti­tion et la concur­rence entre les sala­riés, en géné­ra­li­sant les entre­tiens indi­vi­duels qui favo­ri­se­ront à terme la mise en place du salaire indi­vi­dua­li­sé.

En effet, en pre­nant la déci­sion uni­la­té­rale de mettre fin aux négo­cia­tions et de recou­rir à une « recom­man­da­tion patro­nale », la FEHAP63 a ouvert une brèche, dans laquelle risquent de s’engouffrer les autres chambres patro­nales de la BASS, qui s’inscrivent dans la logique de déman­tè­le­ment des conven­tions du sec­teur et en par­ti­cu­lier ceux de la CCN66.

On le voit, les patrons, eux, se rap­prochent et tra­vaillent sur des posi­tions com­munes qui vont semble-t-il vers une conven­tion unique. Dans toute la branche les condi­tions de tra­vail de dégradent. Que l’on soit dans le sani­taire, le médi­co-social ou le social, les charges de tra­vail aug­mentent, l’in­ten­si­té aus­si. Les per­sonnes accueillies se trans­forment en « clients ». La logique de moyens qui pré­va­lait jusque là cède la place à une logique de résul­tats.

La lutte enga­gée par la CNT veut ras­sem­bler au-delà des éti­quettes : il nous faut construire un rap­port de force impor­tant dans l’u­ni­té.

En nous orga­ni­sant, en nous ras­sem­blant, alors nous pour­rons impo­ser nos choix contre ceux des employeurs et des poli­tiques. Nous pou­vons faire évo­luer nos acquis qui sont des droits et non des pri­vi­lèges !

Ne cédons pas au chan­tage ! Pas de culpa­bi­li­sa­tion face à la grève et/​ou aux actions que nous déci­de­rons de mener. Nous sommes des pro­fes­sion­nels sala­riés. Ne croyons pas qu’il est dans l’in­té­rêt de notre fonc­tion et des per­sonnes que nous accueillons de se sacri­fier au non d’un sacer­doce.

Bien au contraire, défendre nos condi­tions de tra­vail c’est défendre la qua­li­té de notre accom­pa­gne­ment.

Manu & CNT Santé-Social 6964