Le théâtre de poche « Commune de Paris » vous présente
L’Araignée
L’araignée …
Ce matin, à mon travail, j’ai tué une araignée comme ça, par ennui, par ennui de fonctionnaire plus précisément, par méchanceté aussi, je pense…
Je suis rentré chez moi, j’ai mangé, regardé les infos : des hommes se massacraient, sur toute la planète, un type avec une grande barbe proclamait que seul son dieu était dieu et que la charia était le bonheur universel, surtout pour les femmes. Écœuré, j’ai éteint Big Brother, je me suis calé confortablement dans mon fauteuil, lové dans mon cuir à crédit sur 12 mois, un bon whisky à la main.
J’étais bien paisible, loin des fous, barbus ou imberbes, loin des araignées.
- Bon dieu ! L’araignée !
Pourquoi j’y repensais à cet insecte ignoble velu et squattant une entreprise étatique. Soudain, je me suis mis à trembler, la sueur froide montait :
- Mais, de quel droit avais-je fait cela ?
Je me prenais pour qui ? Dieu ? Adolf Hitler ? Staline ? François Hollande ? Le pape et ses papesses ?!?
- Non.
Quel culot. Quel acte barbare. Pourtant oui, j’étais socialement un bon citoyen, je travaillais, je votais même parfois : centre gauche quand ma colère gonflait ma crête en rose, je payais des impôts.
Alors pourquoi cet insecticide ?
Ma décision était prise : je me livrerais à la justice de mon pays. Je suis allé au commissariat. Je me suis constitué prisonnier. L’officier de police qui m’a reçu, très aimablement d’ailleurs, m’a retenu, me glissant que je devais être surmené, dépressif, enfin que mon araignée c’était du cafard.
- Pardon ?! – Dis-je
– Oui, vous avez le cafard…
– Pour une araignée ?
– Et oui, cela peut arriver pour tout : le pape, le président de la république, François Hollande, Nicolas Hulot…
– Pour tout ?
– A tout moment !
Certes… Après tout…
Je suis retourné, chez moi, retrouver mon fauteuil et mon whisky.
Les murs se sont mis à tourner, autour de moi. J’étais mal parti. Je pensais aux enfants martyrisés, aux petits prostitués des grandes mégapoles, des océans qui se mourraient, aux plantes, aux pingouins sur leur petit glaçon maintenant, à tous ces dingues qui croyaient détenir la vérité et qui fusillaient leurs frères par milliers.
J’ai avalé mon verre. J’ai ouvert la fenêtre et puis : mon envol du 15ème étage, mon envol de la tour où j’habite, où bientôt « j’habitais ». Les fenêtres ont défilé, à une allure vertigineuse.
J’étais un météore fonçant dans la stratosphère.
Je suis arrivé en bas à 200 à l’heure, moi, qui n’avait été flashé qu’une fois, à 133 !
Je n’ai rien senti, ce fut le noir total, instantané… Le néant.
Et peut-être, si je me réincarne, cela sera en araignée, ma sœur, si utile au règlement de la nature, en espérant que celle-ci me préserve de l’être en Nicolas Hulot.
Salut !
Ah oui – Bonne année 2012 -
Traducteurs : traduisez !
Jean-Luc /Image : Lucette