Écoles fermées ? Fermons plutôt le ministère !

Puisqu’on vous dit que les redou­ble­ments, ça sert à rien ! Le virus a frap­pé l’école en mars 2020 et, après un an de bouf­fon­ne­rie minis­té­rielle, Blanquer retape son confi­ne­ment.

À regar­der en détail son bul­le­tin, on peut dire qu’il n’a tiré aucune leçon de l’année écou­lée. Jean-Michel n’a pas pro­fi­té de cette année pour embau­cher plus de per­son­nels, rap­pe­ler les listes com­plé­men­taires, réqui­si­tion­ner les locaux vacants (théâtres, gym­nases…) pour en faire des salles de classe, vac­ci­ner les ensei­gnant-e‑s en prio­ri­té, réor­ga­ni­ser les pro­grammes, renon­cer à sa cala­mi­teuse réforme du bac et du lycée, sor­tir les AESH de la pré­ca­ri­té, anti­ci­per les rou­le­ments des élèves en cours et à dis­tance pour allé­ger les classes, équi­per les classes de puri­fi­ca­teurs d’air, déve­lop­per mas­si­ve­ment les tests… La liste des remarques est longue !

Il a tran­quille­ment conti­nué à jon­gler entre aus­té­ri­té et auto­ri­ta­risme, ren­dant d’un côté 600 mil­lions à Bercy sur le bud­get Éducation natio­nale de l’an der­nier (soit l’équivalent de plu­sieurs mil­liers de postes, qui auraient été bien utiles dans le contexte actuel), et de l’autre sanc­tion­nant les col­lègues qui n’appliquaient pas ses poli­tiques anti-péda­go­giques (comme Hélène Careil, mili­tante syn­di­cal et péda­go­gique tra­vaillant à Bobigny).

Les mêmes causes pro­dui­sant les mêmes effets, nous revoi­là der­rière nos cla­viers plu­tôt que devant nos élèves. Comme si cela ne suf­fi­sait pas, les ser­veurs ont bien sûr plan­té dès la reprise des acti­vi­tés à dis­tance ce mar­di : il suf­fi­sait de nous deman­der, tout le monde s’en dou­tait (suf­fit de rele­ver les comp­teurs des pho­to­co­pieurs des deux jours pré­cé­dant la fer­me­ture des éta­blis­se­ments aux élèves pour le véri­fier) !

Incompétence ou mépris de classe ?

Tout a été dit et écrit sur la « perte du pari » du pou­voir poli­tique, et « l’échec » de la poli­tique gou­ver­ne­men­tale. Nous pen­sons, que, contrai­re­ment aux appa­rences, Macron ne joue pas le sort des gens à la rou­lette, il a juste des prio­ri­tés dont les classes popu­laires et les ser­vices publics ne font pas par­tie. Point d’amateurisme ou d’incompétence du côté du pou­voir, mais une poli­tique qui sacri­fie les pauvres et pré­serve l’économie capi­ta­liste et son fonc­tion­ne­ment. Non, les aides excep­tion­nelles ne sont pas le signe de la per­sis­tance de l’état social, ce qui est sau­vé « quoi qu’il en coûte », c’est bien le busi­ness d’abord. Sinon, com­ment com­prendre que le « plan de relance » donne d’avantage à Air France qu’à l’Éducation natio­nale ?

Ces der­niers mois, le sys­tème sco­laire a essayé de conci­lier l’accueil des élèves avec une pénu­rie aiguë de per­son­nels et quelques restes d’objectifs péda­go­giques. On a répar­ti les élèves en mélan­geant les groupes au mépris du pro­to­cole sani­taire, et on a fait du baby-sit­ting dans cer­taines classes de pri­maire.

Résultat : même le ministre de la publi­ci­té men­son­gère et du double dis­cours doit recon­naître que l’école a joué un rôle dans la conta­mi­na­tion, après des mois de men­songe offi­ciel.

Peste ou cho­lé­ra ?

Aujourd’hui cette poli­tique nous condamne à devoir choi­sir entre deux alter­na­tives qui sont des catas­trophes. Fermer les écoles ou satu­rer les urgences ? Nous n’oublierons pas, nous ne par­don­ne­rons pas aux gui­gnols qui nous ont pré­ci­pi­té dans cette impasse.

Conscient·es de nos res­pon­sa­bi­li­tés, nous, per­son­nels de l’Éduca­tion natio­nale, com­pen­sons l’indigence de notre admi­nis­tra­tion pour main­te­nir le lien avec nos classes. Nous savons que rien n’est pire que l’isolement social et édu­ca­tif pour nos élèves et leurs familles. Nous savons que notre mis­sion et notre devoir sont bien dif­fé­rents que de mettre en ligne des cours comme on fait des clips sur you­tube. Nous aide­rons les familles les plus éloi­gnées de l’école en res­tant le plus pos­sible en contact avec elles, par nos propres moyens. Surtout, nous conti­nue­rons de par­ti­ci­per aux réseaux de soli­da­ri­té qui existent autour de nous, quitte à mettre moins de « conte­nus » sur nos « pad­let » ou nos classes numé­riques.

Si le ser­vice conti­nue d’exister, c’est que l’engagement des col­lègues masque encore leur colère, c’est dire s’il est grand.

L’école sur écran ne sera jamais l’école

En ce qui concerne la pré­ten­due « conti­nui­té péda­go­gique », nous affir­mons que la liber­té péda­go­gique des ensei­gnant·es doit être res­pec­tée. L’obligation d’organiser des cours en visio n’est aucu­ne­ment sta­tu­taire, et nous appe­lons les col­lègues à nous signa­ler toute pres­sion hié­rar­chique et tout débor­de­ment de l’administration n’allant pas dans ce sens. Dans l’Éducation natio­nale, la légis­la­tion sur le tra­vail à dis­tance repose sur le volon­ta­riat des enseignant·es.

Si les acti­vi­tés à dis­tance per­mettent de main­te­nir un lien avec les élèves, elles ne peuvent en aucun cas rem­pla­cer l’école. Aussi, nous appe­lons à ne pas faire l’appel sur les cours en visio, à ne pas comp­ter d’absences pour les élèves qui, pour diverses rai­sons, n’y par­ti­ci­pe­raient pas. Les élèves ne doivent en aucun cas être évalué·es sur la période de fer­me­ture des écoles et éta­blis­se­ments.

Enfin, les pro­grammes doivent être adap­tés de façon urgente, notam­ment pour les classes à exa­men. Il faut évi­dem­ment sup­pri­mer le Grand Oral. Si les exa­mens (DNB, bac…) ne pou­vaient avoir lieu, le contrôle conti­nu qui ren­force les inéga­li­tés entre éta­blis­se­ments et can­di­dats, tout par­ti­cu­liè­re­ment cette année, ne doit pas être une solu­tion.

Le minis­tère doit envi­sa­ger dès main­te­nant des condi­tions de reprise dans trois semaines qui seraient sen­si­ble­ment dif­fé­rentes des condi­tions de ces der­niers mois. Pour y par­ve­nir, il fau­dra que les moyens humains et maté­riels soient octroyés et que l’organisation du retour en classe soit, pour une fois, anti­ci­pée :

  • créa­tion mas­sive de postes d’enseignant·es formé·es pour allé­ger et dédou­bler les classes ;

  • réqui­si­tion et ouver­tures de nou­veaux locaux ;

  • accès à la vac­ci­na­tion pour tous les per­son­nels volon­taires ;

  • annu­la­tion de toutes les mesures de baisses de moyens pré­vues pour la ren­trée 2021…

À la CNT, nous tirons une nou­velle fois tous les ensei­gne­ments de la situa­tion pré­sente. Et nous nous achar­nons à enfon­cer des portes ouvertes en affir­mant que l’école capi­ta­liste ne sera jamais ni éga­li­taire, ni inclu­sive, ni éman­ci­pa­trice !

La CNT Éducation appelle tous les per­son­nels à prendre conscience des enjeux de la période et à agir pour rompre avec le sys­tème qui a engen­dré cet état de fait insup­por­table :

  • en par­ti­ci­pant aux mobi­li­sa­tions auprès des AESH en lutte pour l’égalité des droits et le refus de la pré­ca­ri­té en mai ;

  • en agis­sant au quo­ti­dien pour nos élèves, notam­ment les plus pré­caires, pour l’a­mé­lio­ra­tion de leurs condi­tions de vie et de tra­vail dans et en dehors de l’école ;

  • en refu­sant la dérive auto­ri­taire et mana­gé­riale qui mine le ser­vice public d’éducation et l’écarte de ses objec­tifs d’égalité et d’émancipation.

CROSSE EN L’AIR ! LES MAUVAIS JOURS FINIRONT !