Nous voulons ici donner quelques éléments de droit pratique pour l’action syndicale, mais il va sans dire que ce ne sont que des outils dans la construction du rapport de force entre les travailleurs d’un côté, l’État et le patronat de l’autre, rapport de force qui reste primordial pour l’obtention de victoires sociales. Cet article est tiré du Combat syndicaliste, http://www.cnt‑f.org/csCe lien vous fait quitter le site.
Dans le public*
Le droit de grève est reconnu aux agents des trois fonctions publiques (dÉtat, territoriale et hospitalière). La loi du 19 octobre 1982 impose le dépôt d’un préavis au minimum cinq jours avant par « l’organisation ou une des organisations syndicales les plus représentatives », sans préciser les critères (voir ci-contre la CNT dans l’Éducation). Il doit notifier le lieu, la date et l’heure de début, la durée envisagée et les motifs (ex. : grève politique interdite, il faut définir des revendications profession-nelles). Pour une grève, même d’une heure, l’administration prélève un jour de salaire (1/30e du salaire mensuel par jour). L’arrêt « Omont » du Conseil d’État pénalise fortement la grève du fonctionnaire : s’il fait grève la veille d’un congé, ce congé est compté comme grève, donc non payé ( !).
Simon et Étienne Santé-Social – 75 *Extraits du Guide du militant, Fédération CNT-Éducation.
Compléments
- Arrêt de travail ne rime pas toujours avec grève. Les tribunaux sont de plus en plus souvent amenés à se prononcer sur les conditions d’exercice du droit de grève. Ils ont ainsi déclaré illicite : • la grève du zèle et la grève perlée, qui consistent à ralentir le travail, à l’exécuter dans des conditions volontairement défectueuses ou dans des conditions autres que celles prévues par le contrat de travail, mais sans interrompre véritablement le travail (Cass. soc., 5 janvier 1979 ; Cass. soc., 16 mars 1994) ; • l’autosatisfaction des revendications, qui consiste pour les salariés à modifier eux-mêmes leurs conditions de travail ou leurs horaires, sans présenter de revendications à leur employeur.
- Dans l’Éducation nationale, le droit de grève (comme ailleurs !) est une question de rapport de force. Si le mouvement a de l’ampleur, le préavis de cinq jours n’est pas systématiquement respecté. Dans ce secteur, la CNT-FTE (Fédération des travailleurs de l’éducation), ses syndicats départementaux, voire certaines sections d’établissements scolaires du secondaire, déposent des préavis sans contestation de la part de l’administration.
- Le droit de grève attaqué dans le secteur public. L’histoire ouvrière française est marquée par des grandes grèves générales qui constituent une opposition puissante à tout gouvernement. Depuis la grande grève ouvrière de Mai 68, cette action a été écrasée dans le secteur privé par les nouvelles organisations des entreprises ayant détruit en bonne partie les collectifs de travail, et c’est le secteur public qui est devenu le fer de lance de la grève générale. C’est pourquoi les gouvernements tentent maintenant d’y limiter ce droit, en opposant les travailleurs entre eux à grands coups de propagande sur le « service minimum ». Ainsi, on a vu naître dans les transports (SNCF, RATP) des règles de « prévention des conflits » qui rendent plus long et plus difficile l’exercice du droit de grève. Actuellement, un projet de loi soutenu par Nicolas Sarkozy a été déposé à l’Assemblée nationale. Il vise à imposer la consultation systématique et à bulletin secret de tous les personnels avant le déclenchement de toute grève, sans dire si le résultat du vote conditionnera la légalité du mouvement.
Ces droits, inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946 confirmé par celui de la Constitution de 1958 concernent naturellement aussi les agents publics et sont inscrits dans le statut général de la fonction publique.
1. Droit de grève
Le droit de grève est reconnu aux agents publics (sauf exceptions) avec certaines limitations possibles. Modalités
Art. L.521 – 2 à L.521 – 6 du code du travail
a.. dépôt obligatoire d’un préavis par un ou plusieurs syndicats représentatifs 5 jours francs au moins avant le début de la grève,
b.. le préavis doit préciser les motifs de la grève, fixer le lieu, la date et l’heure de début ainsi que la durée de la grève envisagée
c.. pendant la durée du préavis les parties sont tenues de négocier ;
d..interdiction des grèves perlées ou tournantes
e.. le non respect de ces dispositions peut entraîner des sanctions à l’encontre des grévistes.
limitations
En application de la jurisprudence du Conseil d’Etat, 2 grandes catégories d’agents peuvent se voir ordonner de demeurer à leur poste en cas de grève :
a.. les personnels d’autorité qui participent à l’action gouvernementale
b.. les agents assurant le fonctionnement des services indispensables à l’action gouvernementale, à la garantie de la sécurité physique des personnes ou à la conservation des installations et du matériel.
Les limitations du droit de grève (mise en place d’un service minimum) sont effectuées par le pouvoir réglementaire sous le contrôle du juge administratif.
2. Retenue sur salaire pour fait de grève Toute journée de grève, quelle que soit la durée du service non fait donne lieu à une retenue de 1/30eme de la rémunération mensuelle pour les agents de l’Etat et de ses Etablissements Publics Administratifs.
Depuis 46, le droit de grève est constitutionnel. Le préambule de la constitution de la Ve République (4/10/1958) se réfère à celui de la IVe (27/10/1946) : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »
Cependant, dès 1963, il est restreint. En 1979, le Conseil constitutionnel devra intervenir, la loi de 1974 sur l’audiovisuel niant ce droit. Aujourd’hui, prétextant un intérêt général par ailleurs bradé à des intérêts privés (services publics), de nouvelles restrictions sont envisagées.
Principes
Grève : cessation collective et concertée du travail par le personnel, dans le but de défendre des revendications de nature professionnelle (à l’exclusion de motivations « politiques »). L’article L521‑1 du Code du travail précise que la grève ne rompt pas le contrat de travail (c’est une suspension du contrat de travail) et que l’employeur ne peut prendre de sanctions pour un fait de grève. En cas de licenciement, une action en justice en entraînerait l’annulation.
Restrictions
Dans le secteur public : préavis de 5 jours. Les lois 74 – 696 du 7/08/74 et 79 – 105 du 25/07/79 (Conseil constitutionnel) obligent à un service minimum le service public de radio et de télévision : diffusion d’un JT et d’une émission de divertissement par jour. Mais la mise en concurrence de ces secteurs a limité les astreintes, et la loi n° 86 – 1067 du 30/09/86 (loi Léotard, relative à la liberté de communication) prévoit seulement la continuité technique de la diffusion, à la charge des sociétés nationales de programme et de TDF. Entrave au travail des non-grévistes, séquestration, grève illégale… sont des fautes lourdes pouvant justifier le licenciement du gréviste, voire ayant des conséquences pénales.
La grève, un outil révolutionnaire
La grève sert à obtenir des améliorations pour les salariés d’une entreprise. Elle sert à obtenir des améliorations sociales ou empêcher des régressions (1936, 1968, 1995). Dans une perspective syndicaliste révolutionnaire, la grève est l’instrument ultime de lutte de classes, expression d’un rapport de force collectif qui, simultanément, démontre le rôle vital de ceux qui produisent et l’inutilité de ceux qui s’accaparent la plus-value. En relançant la production pour leur bénéfice propre, sous leur contrôle, les travailleurs peuvent transformer la grève en grève expropriatrice, abolir le salariat et les classes sociales.