Alors que le bureau de l’association de la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte en Ille-et-Vilaine (SEA35) a affirmé dans son journal interne portant la voie du Conseil d’Administration, les brèves du mois de mars 2015 intitulé « remises à la rue des personnes hébergées au sein du dispositif COORUS :
« Le bureau de la SEA affirme que les personnes ne peuvent être remises à la rue manu militari même si les services de l’état nous donnent d’autres consignes localement.
Dans le cadre du dispositif COORUS il est demandé que 40 familles [en réalité 40 personnes], pour lesquelles aucune solution ne peux être envisagée soient mises « à la rue ».
La personne doit pouvoir bénéficier d’une orientation adaptée en application du principe de continuité. Les personnes concernées seront informées et les professionnels les aideront à adresser aux services de l’Etat une demande de maintien dans la structure ou d’orientation vers une solution pérenne (…) Cette décision a été communiquée au Secrétaire Général de la Préfecture et à Mme la Maire. »1
Dès le mois de juin 2015, le Comité d’Entreprise de la SEA 35 a lancé une alerte auprès des salariés dans laquelle il « s’oppose fermement à la décision de l’employeur d’accompagner la mise en oeuvre de cette décision, qui va à l’encontre des valeurs défendues par la SEA 35, et qui entraine un profond malaise chez les professionnels. »2
Les familles concernées ont déjà reçu un courrier expédié par les services de la Préfecture les « invitant » à quitter leur logement. Ce courrier signé par la DDCSPP a été appuyé par une rencontre avec la direction du Pôle Précarité Insertion (PPI) de la Sauvegarde de l’Enfance à l’Adulte en Ille et vilaine (SEA35). De nouvelles rencontres incitatives au départ ont eu lieu les 16 et 17 juillet et courant août en présence de la directrice générale de notre association qui pourtant signait cette brève dans le journal associatif il y a 4 mois.
Cette décision contraire au principe élémentaire de continuité d’hébergement et de respect des personnes met à mal l’image de notre association. Collaborer au dictat de la préfecture, sous couvert d’un chantage verbal éhonté, « si vous ne le faites pas, on baisse vos subventions sur les autres dispositifs », tout cela sous le regard bienveillant de Rennes Métropole et de la ville de Rennes, marque un virage encore plus violent dans la politique du Parti Socialiste. Comme on a pu le voir fin juin lors de l’évacuation forcée d’un campement de réfugiés par la police,3 la ville n’est plus en position de retrait mais soutien l’intervention des forces de l’ordre de façon active.
Quant à la SEA35, le Conseil d’Administration et la Direction Générale, dans une complaisance « passive », contreviennent aux valeurs fondamentales inscrites au fronton de l’association (Cf. site internet et le journal associatif de mars 2015 de la SEA 35). Cette dernière n’a pas hésité à faire pression sur les salariées pour mettre en oeuvre ces « invitations à quitter les logements ». Ces pratiques managériales sont inacceptables, tant dans la forme que dans le fond. Tout cela crée un malaise palpable, non seulement au Pôle Précarité Insertion de la SEA 35 mais aussi dans toute l’association, nombre de salariés se retrouvant confronté aux injonctions paradoxales de sa chaine hiérarchique.
Rien n’est laissé au hasard. Le choix de la période estivale n’est pas anodin. Les « invitations à quitter les hébergements », les expulsions de squats, se font pendant l’été avec l’espoir que tout cela passera inaperçu entre les samedis noirs de la circulation autour de Rennes, les départs de la grande boucle et autre départs de militants. Cela permet également d’éviter d’expulser les enfants lors de la période scolaire pour ne pas se mettre à dos la communauté éducative et les parents d’élèves.
Les sorties ou plutôt les accompagnements vers la porte sans solutions d’hébergement pérenne se sont prolongés tout au long de l’été sous l’aimable pression de la direction du PPI. Les personnes accompagnées par COORUS décrivent leur détresse auprès des militants rennais. Soutenues par les instances représentatives du personnel de la SEA 35, les professionnels de COORUS, qui accompagnent ces personnes au quotidien, ont refusé courageusement de participer à ces expulsions, faisant un nécessaire « pas de côté » en protégeant leurs vies personnelles. Leurs remplaçants se sont vu enjoindre de mettre en oeuvre les sales besognes imposées par le triptyque Préfecture/Collectivités locales (ville de Rennes et Rennes Métropole) /direction de la SEA35.
Comble de l’ironie, le dispositif COORUS est aujourd’hui utilisé comme faire-valoir du virage à gauche du PS avant les élections régionales. Nathalie Appéré a été invitée mardi 8 septembre par le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, pour présenter COORUS, qu’elle a décrit comme un dispositif exemplaire.4
Cette utilisation médiatique portée par la vague de réfugiés arrivant en Europe fait sourire amèrement les sections syndicales de la SEA35. Certes, COORUS est un service construit sur la base d’un réel accompagnement social ; mais les politiques se gardent bien d’aborder les difficultés rencontrées par les familles bénéficiaires de ce dispositif, pour qui l’accession à un vrai logement est refusée car elles sont en attente d’un statut le leur permettant. Ils ne communiquent pas non plus sur les injonctions du Préfet de remettre à la rue des familles entières, pourtant accompagnées depuis des années par les professionnelles de ce dispositif.
Pourtant, le service ADEL (Accompagnement Dans Et vers le Logement de ménages sortant de structure ou d’hébergement temporaire et accédant à leur propre logement), ayant pour vocation de permettre – entre autres – aux familles hébergées par COORUS d’accéder à un logement pérenne dans de bonnes conditions, vit ses derniers jours faute de financements : un nouveau grain de sable que l’Etat vient glisser dans les rouages fragiles de l’hébergement d’urgence.
Cessez vos effets d’annonce, donnez aux réfugiés les moyens de votre politique. Après vos beaux discours médiatiques, passez aux actes !