Les annonces concernant la revalorisation sont désormais concrètes et ont été annoncées. Si quelques incertitudes demeurent sur les modalités concrètes de mise en œuvre, les grandes lignes sont connues, et ne masquent pas la politique qu’elle continue de vouloir mettre en pratique malgré un rejet massif des personnels et de la population. Regardons‑y d’un peu plus près…
Des « augmentations » inconditionnelles
La prime statutaire des enseignant·es (ISOE/ISAE) doit doubler, passant de 1 300 euros brut à 2 550 euros brut, soit un gain net de 100 euros pour tou·tes. Les CPE, Psy-ÉN, conseillers·es pédagogiques et enseignant·es référent·es sont également concerné·es.
Une prime d’attractivité va s’ajouter pour les débuts de carrière, jusqu’à 15 ans d’ancienneté (échelon 7). Son montant peut être variable : 160 euros nets par mois pour un·e stagiaire, 151 pour un·e enseignant·e au 3e échelon, 222 euros au 6e échélon…
Pour compléter, les contractuel·les toucheront une hausse indemnitaire de 100 euros.
Un Pacte conditionnel
Pour celleux qui voudraient gagner plus, c’est désormais bien connu : il faudra travailler plus (comme si c’était possible…) ! En effet, le Pacte prévoit donc des rémunérations supplémentaires pour les enseignant·es qui accepteront des missions supplémentaires. Précisons, même si ça devient une habitude, qu’évidemment toutes les heures effectuées dans le cadre du Pacte seront défiscalisées.
Le Pacte se découpe en plusieurs briques, selon la terminologie officielle. La première brique consiste obligatoirement en des remplacements de courte durée pour les personnels du second degré, ou des heures de soutien en 6e pour les collègues du premier degré. Concrètement, ces personnels devront s’engager, via une lettre de mission, à réaliser 18 heures de soutien ou de remplacement dans l’année, pour la somme de 1 250 euros bruts. En cas d’absence d’un·e collègue, les signataires s’engagent à remplacer le·a collègue au pied levé, en enseignant une heure de leur matière.
Les autres missions (briques 2 et 3) sont également rémunérées 1 250 euros bruts, mais pour 24 heures annuelles. Pour le premier degré, ces missions peuvent aussi bien consister à la mise en œuvre de projets « innovants dans le cadre du conseil national de la refondation », d’accompagnement des élèves « à besoins éducatifs particuliers », comme à être référent·e inclusion, ou encore effectuer des heures de soutien. Pour le second degré, cela consistera à la découverte des métiers auprès des élèves (en lien avec la suppression de la technologie en 6e…), à l’encadrement de Devoirs faits, dispositif qui devient obligatoire en 6e… ainsi qu’aux stage de vacances apprenantes !
Dans les premiers projets, pour pouvoir bénéficier des briques 2 et 3, il fallait obligatoirement accepter la 1ère brique. Pour le moment, cette obligation a disparu des projets de décret, mais comme tout passera par des lettres de mission que nous feront signer les chefs d’établissement et les IEN, le risque demeure que cela soit imposé malgré tout.
Pire que tout : le Pacte LP
On pouvait se dire que nous avions atteint le fond, mais pour les PLP, le Pacte est différent… et pire que tout ! Pour commencer, alors que pour le reste du second degré, il est possible de choisir une, deux ou trois briques (dans ce dernier cas, avec une augmentation très significative de la charge de travail…), on demande aux PLP de prendre six briques… ou rien !! Pour elleux, c’est soit 7 500 euros bruts, pour plus d’une centaine d’heures supplémentaires et annualisées, soit 0 ! Outre les missions déjà mentionnées pour le second degré, on prévoit aussi de l’accompagnement post-bac et/ou vers l’emploi, de l’enseignement en effectifs réduits, ou encore de l’accompagnement pour les élèves en difficulté. Cela consiste en une charge de travail supplémentaire énorme, mal quantifiée car pour de nombreuses missions on ne connaît pas encore le volume horaire précis qui y sera adossé. Enfin, cela ouvre de plus en plus grand la voie à l’annualisation des services !
On n’en veut pas !
Évidemment, cette revalorisation n’en est pas une, et ne fait illusion auprès de personne.
Les augmentations prévues n’en sont pas : elles ne rattrapent pas la dégradation du pouvoir d’achat des enseignant·es, qui remonte à des décennies, et continue de s’accroître. De plus, cette revalorisation ne consiste pas en du salaire (sur lequel nous cotisons ! ), elle ne repose que sur des primes et des indemnités, qui évidemment ne comptent pas pour la retraite ! La seule vraie revalorisation de salaire a été celle du point d’indice de 3,5 % en juin dernier. Et bien, cette augmentation est intégrée dans la communication du gouvernement pour dire que les enseignant·es, grâce au Pacte, vont être augmenté·es de 10 % ! Alors même que cette revalorisation du point d’indice ne compensait déjà à l’époque même pas l’inflation…
De même, avec le Pacte, on continue de défiscaliser le travail, asséchant ainsi les finances publiques davantage. Après, on nous dit que les caisses sont vides, et Macron demande aux ministères de se serrer la ceinture ! L’État organise la pénurie pour mieux continuer de saborder les services publics, quand c’est tout l’inverse qu’il faudrait faire. N’oublions pas qu’en parallèle, Macron a aussi annoncé récemment que pour favoriser le pouvoir d’achat des classes moyennes, il allait continuer de baisser les impôts.
Par ailleurs, les effets d’annonce cachent mal ce que les plus ancien·nes dans la profession n’ont peut-être pas oublié… en effet, les remplacements de courte durée existent déjà depuis un décret de 2005 ! Mais, évidemment, ça ne marche pas ! Il suffit d’être sur le terrain pour s’en rendre compte, et pour des raisons évidentes liées à la complexité des emplois du temps… sans compter que quand on bosse à temps plein, ben justement, notre temps : il est plein ! Macron et Ndiaye ont annoncé qu’il n’y aurait plus d’heure non remplacée dans le second degré, grâce au Pacte. Nous, on sait que c’est en créant des postes de TZR que cela sera rendu possible, pas par le Pacte !
Enfin, comme avec la mise en place des IMP il y a quelques années, il y a un risque réel de créer des dissensions graves au sein des équipes, avec des collègues qui se transformeraient en véritables « chasseur·euses de primes » en entrant dans le Pacte, et la possibilité de mise en place de hiérarchies intermédiaires pour celleux qui accepteraient des missions de référent·es, de coordinateur·rices, etc.
Pour une école égalitaire !
Comment ne pas rappeler et faire le lien entre cette pseudo revalorisation, et la lutte contre les retraites ? En effet, la réforme adoptée par l’exécutif se voulait justifiée par un prétendu déficit du régime des retraites, et pour financer d’autres projets comme la transition écologique, la transformation de l’école ou de la santé, etc. Sauf qu’en réduisant les impôts (heures défiscalisées) et en n’augmentant pas les salaires (primes et indemnités sur lesquelles nous ne cotisons pas), la même politique est à l’œuvre, et continue de nous envoyer droit dans le mur !
D’ailleurs, comme sur la question des retraites, le Pacte ne va qu’accroître les inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans l’enseignement : ce sont déjà plus souvent les femmes qui sont à temps partiel aujourd’hui, il est donc logique qu’elles acceptent moins facilement ces nouvelles rémunérations adossées à des missions supplémentaires. Elles verront donc leurs salaires stagner : pour elles, pas de pseudo-revalorisation !
Par ailleurs, une fois de plus, les AED et les AESH sont oublié·es, alors même qu’iels constituent les agents les plus précaires et moins bien rémunéré·es de l’Éducation nationale !
C’est pourquoi, à la CNT, nous revendiquons des augmentations de salaires massives (personne ne devrait être rémunéré en dessous de 2 000 euros), et inversement proportionnelles aux salaires actuels, afin de :
- sortir de la précarité les moins bien rémunéré·es d’entre nous
- augmenter les entrées de cotisations pour financer les différents régimes de la Sécurité sociale
Nous appelons également au boycott de toute cette mascarade : dans les salles des profs, des maîtres·ses, en réunions syndicales, en AG, refusons d’entrer dans le Pacte, refusons de nous laisser diviser, pour exiger des salaires décents à la place, pour toutes et tous, et maintenant !