Non à cette mascarade !
La réforme du collège avance à grands pas, dans l’autoritarisme le plus complet, sans aucune concertation. Pour comprendre cette politique, il nous semble important aujourd’hui de revenir sur le contexte qui porte cette réforme.
Depuis un an, suite aux divers attentats qui ont marqué les esprits de façon terrible, nous assistons à une intensification de la violence d’état et de l’islamophobie. La mise en place de l’état d’urgence a des effets désastreux, contrairement à la volonté affichée de protéger la population hexagonale. Il est de notoriété publique aujourd’hui qu’il est parfaitement inefficace face au risque terroriste, mais en revanche très efficace pour la réduction de nos libertés individuelles et collectives, chèrement acquises dans la lutte. Face à cette situation, nous sommes contraint-es d’assister à la montée des intégrismes de tous bords.
À cela s’ajoute une décomposition sociale liée à la crise inhérente au capitalisme, qui frappe de plus en plus durement les classes populaires. Aujourd’hui, plus d’un million d’enfants pauvres fréquentent les écoles françaises, ce chiffre étant en constante augmentation depuis le début des années 2000. La situation dans les quartiers populaires est particulièrement dégradée, de plus en plus abandonnés qu’ils sont par les services publics, y compris l’école.
Face à une situation qui se dégrade de plus en plus, et qui détourne de plus en plus de jeunes des métiers de l’enseignement, le ministère d’Éducation nationale est incapable de mettre en place des recrutements à la hauteur des objectifs qu’il se fixe. À l’inverse, pour pallier cette carence, il ne trouve pas d’autres moyens que de mettre en œuvre des campagnes publicitaires en mode Star Wars idéalisant le métier de prof, quand les suicides de personnels, directement imputables aux conditions de travail, se multiplient semaines après semaines, sans compter les démissions de plus en plus massives de stagiaires et de néo-titulaires
Aujourd’hui, l’école est désormais présentée comme le rempart contre les dérives « identitaires » et « anti-républicaines », et donc chargée de restaurer les valeurs morales républicaines. C’est dans ce contexte qu’apparaît la réforme du collège.
Une réforme ambitieuse ?
On le voit, les besoins sont immenses. À la première lecture, on pourrait effectivement se dire que cette réforme a de bons côtés, même si concrètement il ne s’agit pas non plus d’une réforme révolutionnaire. Malgré tout, la possibilité de casser le cloisonnement disciplinaire, de travailler en co-enseignement, de partir des besoins des élèves, de supprimer les options élitistes pour permettre au maximum d’enfants d’accéder à une culture et un enseignement communs, tout cela semble aller dans le bon sens. Nous sommes nombreux-ses à avoir eu une première lecture de cette réforme qui nous laissait entendre que tout cela allait plutôt dans le bon sens, et que de toute façon, la situation actuelle étant catastrophique dans les collèges, avec des élèves en difficulté qui s’en sortent de moins en moins (en oubliant au passage le contexte de crise économique et sociale, qui les touche de plus en plus…), il fallait bien tenter quelque chose car cela ne pouvait pas être pire. Une telle réforme, avec des objectifs qui nous semblent ambitieux, doit forcément être accompagnée de moyens ambitieux. Sauf que…
Pas de moyens !
Les collègues commencent à s’en rendre compte aujourd’hui, cette réforme nécessite obligatoirement des temps de concertation entre les équipes, pour la mise en place des EPI et de l’AP, ou de la liaison école-collège autour du cycle 3. C’est encore plus flagrant dans le cas du cycle 3, avec des programmes parfois curriculaires qui nécessitent que les enseignant-es s’accordent sur ce que chacun‑e fera dans sa classe, mais cela ne doit pas cacher les réels besoins en collège également.
Au contraire, la dégradation des conditions d’enseignement ces dernières années est sans précédent, avec la suppression des postes sous l’ère Sarkozy qui n’a pas été et ne sera pas rattrapée pendant le quinquennat de Hollande, quoi qu’en dise ce dernier. Cette dégradation se poursuit aujourd’hui, avec une augmentation des effectifs dans les classes au collège : le recteur affiche clairement l’ambition de remplir toutes les classes de collège à 30 élèves pour septembre 2016 !
Concrètement, on nous demande donc de faire plus avec moins !
La pression hiérarchique
Comme si cela ne suffisait pas, cette réforme s’accompagne d’une pression hiérarchique de plus en plus forte et intolérable dans un contexte où les personnels de l’Éducation nationale sont de plus en plus en souffrance dans leur travail. L’autoritarisme zélé, la pression des IPR et des IEN pendant les journées de formation sont insupportables. N’oublions pas que ces hiérarques ne sont par ailleurs que la face cachée de l’iceberg, n’étant elleux-mêmes que les courroies de transmission des DASEN et recteur-ices, qui demandent de faire remonter les noms des opposant-es, menacent de retraits de salaires et se déplacent en personne dans les établissements récalcitrants (y compris dans l’académie de Rennes, il y en a d’ores et déjà de nombreux exemples).
Cet autoritarisme est particulièrement visible dans le cadre des pseudo-journées de formations, qui apparaissent aujourd’hui clairement comme des journées de formatage au contenu affligeant : discours technocratique pseudo-pédagogique, pour faire rentrer les idées des équipes dans les cases de la DGESCO, tandis que toute tentative de faire entendre un autre discours est brutalement étouffée dans l’instant.
N’Autre collège, pour une révolution sociale, éducative et pédagogique !
C’est bien beau tout ça, mais que faire dans ce cas ? Le contexte social est morose, les besoins éducatifs sont là, et nous ne pouvons nous satisfaire du statu quo que certain-es réclament. C’est pourquoi nous revendiquons des changements à la hauteur de nos aspirations :
- du temps de concertation intégré dans les services des personnels qui prennent en charge des enseignements qui nécessitent cette concertation (EPI, AP, conseil de cycle…) ;
- une réaffirmation de la liberté pédagogique, sans soumissions des projets des équipes au bon vouloir des hiérarchies intermédiaires ;
- le retour d’une réelle formation professionnelle, faite par des pairs et pour des pairs ;
- une baisse réelle et conséquente des effectifs dans les classes (20 élèves par classe, 12 en enseignement adapté), et le développement du co-enseignement (deux enseignant-es par classe) ;
- une revalorisation salariale inversement proportionnelle à la hauteur de ceux-ci, pour progresser vers l’égalité salariale, et une baisse du temps de travail pour une meilleure répartition du travail et des conditions de travail améliorées ;
- le rétablissement d’une carte scolaire qui assure une réelle mixité sociale des élèves, sans options de contournement ;
- la revalorisation des réseaux d’aides et des filières enseignement adapté, et le recrutement massif de nouveaux-elles remplaçant-es ;
- la fin de la précarité, et la titularisation sans conditions des vacataires et contractuel-les ;
- le respect de la parole des élèves et des personnels ;
- une laïcité inclusive et non pas excluante ;
- une évaluation positive qui fasse progresser chaque élève au lieu de le sanctionner.
- des moyens pour des sorties et séjours découvertes.
Par quels moyens ?
Ces objectifs sont ambitieux, nous le savons bien. Nous savons bien également que nous n’aurons que ce que nous prendrons. Alors, par quels moyens obtenir la satisfaction de ces revendications ?
Le premier, c’est une des armes les plus puissantes des travailleur-euses collectivement organisé-es : la grève. Celle-ci devra être massive, car chacun‑e sait qu’une journée ne suffira pas. Depuis 2010, aucune grève n’a été reconduite au niveau hexagonal, et dans l’esprit de beaucoup d’entre nous, elles ne servent plus à rien. Pourtant, nous sommes persuadé-es qu’une grève, massivement reconduite pendant quelques jours seulement, permettrait de faire reculer le gouvernement et ses allié-es, et de faire avancer nos revendications. La grève permet aussi aux travailleur-euses de recouvrer leur dignité, en relevant la tête pour dire : « BASTA ! »
Cela implique forcément de s’organiser. Beaucoup d’entre nous, dans un contexte de précarisation croissant dans l’Éducation nationale, auront sans doute du mal à se mettre en grève plusieurs jours. Pour cela, des stratégies existent, souvent oubliées, et pourtant diablement efficaces. La première d’entre elle, c’est la caisse de grève, patiemment remplie, et qui permet de tenir sereinement dans un mouvement de lutte qui sera reconduit. Ces caisses de grèves, elles doivent être gérées collectivement et directement par les travailleur-euses. L’autre outil dont nous disposons, c’est l’Assemblée Générale. Elle permet de débattre, de décider, et d’agir collectivement. Nous sommes favorables à l’autogestion de la lutte par les travailleur-euses, sans passer par les centrales syndicales, pour construire ici et maintenant des alternatives concrètes, dans le plaisir et la joie de la création collective. C’est le sens du syndicalisme que nous promouvons aujourd’hui à la CNT !
Enfin, le contexte actuel nous oblige à insister sur un dernier point : toute alliance avec les réactionnaires et leurs organisations, syndicales et associatives, ne sera jamais pour nous un objet de débat. Il est illusoire d’en attendre un quelconque changement qui serait satisfaisant, la plupart se contentant du statu quo quand ce n’est pas de prôner le retour à l’école des années 1950. Pour nous aujourd’hui à la CNT, changer l’école, c’est changer la société, et changer la société, c’est changer l’école !
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