2012 : ni inspection, ni entretien ! Toutes et tous en grève le 15 décembre !

Le 30 juillet 2010 parais­sait au Journal Officiel un décret met­tant fin à la note des fonc­tion­naires, rem­pla­cée par un entre­tien pro­fes­sion­nel. Aujourd’hui des pro­jets de décrets et d’arrêtés viennent pré­ci­ser les moda­li­tés d’application de cette réforme pour les per­son­nels ensei­gnants, d’éducation et d’orientation. Si on ne peut que se satis­faire de voir dis­pa­raître le pro­cé­dé infan­ti­li­sant et anti-péda­go­gique que pou­vait repré­sen­ter une note arbi­traire, peut on pour autant se réjouir de ce qui nous attend ?

2012 : ni ins­pec­tion, ni entre­tien !

Entretien professionnel

Nous subi­rons tous les 3 ans un entre­tien pro­fes­sion­nel conduit par le supé­rieur hié­rar­chique direct. Toutefois, celui-ci pour­ra éga­le­ment être conduit par un autre fonc­tion­naire dési­gné par l’autorité hié­rar­chique sans que le texte pré­cise les­quels (actuels IPR ? Chargés de mis­sions ? Préfets des études ? Membres du conseil péda­go­gique… ?).

Cet entre­tien sera l’aboutissement d’un pro­ces­sus d’auto-évaluation (fli­cage volon­taire ?) sur la période de 3 ans. Il por­te­ra sur nos « capa­ci­tés à faire pro­gres­ser » : les élèves dans le cadre des « com­pé­tences » (celles du LPC ?) de nos dis­ci­plines en lien avec les pro­jets d’écoles ou d’établissements ain­si que « la qua­li­té du cadre de tra­vail » ! Pour les per­son­nels non-ensei­gnants, cet entre­tien induit encore plus clai­re­ment l’obligation de répondre de ses « résul­tats pro­fes­sion­nels obte­nus au regard des objec­tifs […] assi­gnés » avec pour but d’en fixer de nou­veaux pour les 3 ans à venir.

Ce pro­jet de décret modi­fie les grilles d’avancement. « Les cadences d’avancement exis­tantes (au grand choix, au choix, à l’ancienneté) sont rem­pla­cées par un rythme unique. L’avancement accé­lé­ré est orga­ni­sé par l’attribution aux agents de mois de réduc­tions d’ancienneté. Cette allo­ca­tion est modu­lée en fonc­tion des résul­tats de l’évaluation ». Ainsi, par exemple pour les cer­ti­fiés : » La répar­ti­tion des réduc­tions d’ancienneté s’effectue sur une base annuelle de deux cent cin­quante mois pour cent agents du corps et dans la limite de : « 1° cinq mois de réduc­tions d’ancienneté pour 30{eccd8cfd18c7388c1e0028ba20803a52c383a09b12bf512b4347cbac2b655287} de l’effectif du corps ; « 2° deux mois de réduc­tions d’ancienneté pour 50{eccd8cfd18c7388c1e0028ba20803a52c383a09b12bf512b4347cbac2b655287} de l’effectif du corps « . Une nou­velle grille d’avancement est mise en place pour chaque corps.

Notons au pas­sage que ce sys­tème va engen­drer des éco­no­mies sub­stan­tielles au détri­ment de nos salaires : gel de l’avancement autre qu’à l’ancienneté pen­dant la période tran­si­toire jusqu’à 2015 (date des pre­miers entre­tiens), allon­ge­ment de la durée de pas­sage à chaque nou­vel éche­lon.

Une logique managériale au détriment du pédagogique

Les supé­rieurs hié­rar­chiques qui ne sont pas les plus com­pé­tents dans le champ péda­go­gique et dis­ci­pli­naire, ne man­que­ront pas de s’appuyer sur les dis­po­si­tifs d’évaluation mis en place ces der­nières années. Ceux-ci, soi-disant dans l’intérêt des élèves, se révèlent être de par­faits outils de fli­cage des per­son­nels, faci­li­té par les sup­ports infor­ma­tiques (éva­lua­tions natio­nales, LPC, B2i, cahier de texte en ligne…).

Cet entre­tien fera aus­si la part belle à l’acceptation des ensei­gnants à col­ler aux pro­jets d’écoles ou d’établissements. Or ceux-ci éma­nant lar­ge­ment de la hié­rar­chie et sont sou­vent défi­nis sans véri­table concer­ta­tion avec les per­son­nels et ne sont que des copies du pro­jet aca­dé­mique. Ils reposent sur des objec­tifs chif­frés qui n’ont pas for­ce­ment de sens péda­go­gique et sur les­quels nous n’avons pas com­plé­te­ment prise : taux d’absentéisme, taux de réus­site aux exa­mens, vali­da­tion des items du socle com­mun… Une manière de nous tenir res­pon­sables des échecs du sys­tème édu­ca­tif pour­tant lar­ge­ment dûs aux dif­fé­rentes poli­tiques de casse de ces der­nières années ?

Du point de vue de cette poli­tique minis­té­rielle, ces entre­tiens seront d’ailleurs un levier de pres­sion for­mi­dable pour nous impo­ser des reculs sur nos condi­tions de tra­vail (heures sup­plé­men­taires, stages pen­dant les vacances …) ou péda­go­giques (éva­lua­tions natio­nales, socle com­mun…).

Mais alors à quoi sert vraiment cette évaluation ?

Si l’entretien pro­fes­sion­nel est pré­sen­té comme un moment pri­vi­lé­gié d’échanges entre l’enseignant et son supé­rieur hié­rar­chique, il est bon de rap­pe­ler que les entre­tiens d’évaluation ont été, dans les anciennes admi­nis­tra­tions où ils ont été mis en place, un moyen de cas­ser tous les acquis col­lec­tifs. En effet, il ne s’agit plus de réflé­chir en équipe, mais d’infantiliser et d’isoler chaque per­son­nel, à qui on fait croire que les solu­tions se trouvent auprès de son chef, qui aurait les « com­pé­tences » pour l’aider à pen­ser son tra­vail. Et cette méthode a fait ses preuves. Elle a déjà été mise en place à EDF, à La Poste ou à France Télécom avant la pri­va­ti­sa­tion de ces ser­vices et chez les per­son­nels admi­nis­tra­tifs et ouvriers de l’éducation natio­nale (BIATOS). Avec le suc­cès mana­gé­rial qu’on connait…

Travail en équipe ?

Cette éva­lua­tion est la néga­tion même du tra­vail en équipe : elle ren­voie à cha­cun la res­pon­sa­bi­li­té (voire la culpa­bi­li­té) indi­vi­duelle de ses réus­sites (si tant est qu’elles soient mesu­rables) et de ses échecs. On ima­gine la tête des équipes quand cer­tains auront acquis plus de mois d’ancienneté que d’autres après des entre­tiens que l’on peut craindre arbi­traires. La réus­site ne rési­de­ra plus que dans un devoir d’obéissance à des objec­tifs assi­gnés qui répon­dront rare­ment à des pro­jets pen­sés pour le tra­vail à effec­tuer direc­te­ment ou indi­rec­te­ment auprès des élèves.

Stress, angoisse, flicage, individualisme renforcé, …

Ne nous y trom­pons pas, l’entretien d’évaluation ne nous appor­te­ra rien, si ce n’est un moment pri­vi­lé­gié de stress et d’angoisse qui peuvent même induire cer­tains com­por­te­ments comme la déla­tion envers cer­tains col­lègues. Qu’elle soit indi­vi­duelle ou col­lec­tive, cette éva­lua­tion des per­sonnes n’améliore en rien la qua­li­té du tra­vail. Ce sont des pro­jets que nous pou­vons vali­der ou inva­li­der et pour les­quels nous pou­vons remettre en ques­tion nos pra­tiques à condi­tion que le cadre de tra­vail le per­mette. C’est à dire en pou­vant expri­mer ses dif­fi­cul­tés sans que cela n’ait de consé­quences sur un avan­ce­ment ou une appré­cia­tion qui res­te­ra sub­jec­tive puisqu’elle dépend de l’évaluateur. Ce nou­vel entre­tien indi­vi­duel est une pierre sup­plé­men­taire à l’entreprise de fli­cage et d’infantilisation que l’éducation subit depuis ces der­nières années. C’est un véri­table « sys­tème qua­li­té » qui est mis en place autour de nous, rédui­sant l’éducation à un ramas­sis de chiffres pseu­do ana­ly­tiques.

Pour un système collaboratif !

Il est impor­tant aujourd’hui de se mobi­li­ser par la grève pour mettre en échec cette réforme mana­gé­riale et d’organiser le refus de l’entretien dans les éta­blis­se­ments pour les per­son­nels qui le subissent déjà.

A la place, la FTE reven­dique l’instauration d’un sys­tème col­la­bo­ra­tif entre les col­lègues. Nous ne sommes pas ensei­gnants de droit divin et il est impor­tant de ne pas aban­don­ner les col­lègues avec les élèves sans aucune aide. Chacun pour­rait ain­si visi­ter d’autres ensei­gnants et dis­cu­ter de ce qui fonc­tionne bien ou moins bien et de trou­ver des solu­tions entre péda­gogues (pra­ti­quants). L’éducation ne se résume pas à des chiffres attes­tant de la vali­da­tion d’items, affir­mons la pri­mau­té du tra­vail d’équipe face aux ten­ta­tives de divi­sion ten­tées par la hié­rar­chie ! Toutes et tous en grève le 15 décembre !