AESH : des conditions de travail indignes

AESH : DES CONDITIONS DE TRAVAIL INDIGNES

Nous, Accompagnant·es d’Élèves en Situation de Handicap, tra­vaillons dans des mau­vaises condi­tions : pré­caires, chao­tiques et incer­taines.

Nous débu­tons dans cet emploi au pied levé, sans for­ma­tion préa­lable. La for­ma­tion ini­tiale, trop théo­rique et géné­ra­liste, que nous rece­vons au cours de notre pre­mière année d’exercice, n’est pas adap­tée à ce que nous vivons au quo­ti­dien sur le ter­rain.

Nous rece­vons nos affec­ta­tions au der­nier moment, par­fois du jour au len­de­main, sou­vent avec des erreurs, dans des éta­blis­se­ments par­fois dif­fé­rents et très éloi­gnés les uns des autres. Nos accom­pa­gne­ments sont mor­ce­lés : nous sui­vons 2, 3, 4 élèves, par­fois plus, par­fois à plu­sieurs sur le même temps lors d’accompagnements mutua­li­sés, par­fois en relais avec d’autres col­lègues.

Nous n’avons pas de temps de tra­vail décomp­té pour les dépla­ce­ments entre éta­blis­se­ments. Le temps pré­vu pour la coor­di­na­tion avec le reste de l’équipe édu­ca­tive est déri­soire , et ne prend pas en compte le fait que nous tra­vaillons désor­mais sou­vent sur plu­sieurs lieux, avec des équipes dif­fé­rentes. Les Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés (Pial) qui gèrent nos affec­ta­tions sont trop éten­dus et inco­hé­rents, nous nous sen­tons manœuvré·es, comme des pions.

Notre mis­sion d’inclusion n’est pas tou­jours recon­nue comme essen­tielle, urgente, indis­pen­sable. Trop sou­vent, on nous prend pour des auxi­liaires bon·nes à tout faire, des exécutant·es, sans avis valable sur l’organisation la plus à même de faci­li­ter l’inclusion des élèves que nous accom­pa­gnons.

Par des­sus tout, nous en avons assez de la pré­ca­ri­té et de la pau­vre­té dans laquelle nous sommes plongé·es : 750 € pour 24 heures heb­do­ma­daires ne suf­fisent pas pour vivre digne­ment ! Si l’on s’implique dans ce tra­vail, il est mal­ai­sé, voire épui­sant, d’avoir en plus à se trou­ver un second emploi pour com­plé­ter nos salaires.

Une poli­tique décon­nec­tée de l’inclusion

Nombres d’entre nous sont à bout. Exerçant ce métier depuis 6ans, 10 ans, voire plus de 20 ans, iels n’ont ces­sé de voir leurs condi­tions de tra­vail se dégra­der, pous­sant ces travailleur·euses expérimenté·es à la dépres­sion, à la démis­sion, jusqu’à l’abandon de poste, faute de pos­si­bi­li­té de rup­ture conven­tion­nelle.

Face à ces condi­tions de tra­vail dégra­dées, le com­por­te­ment de notre hié­rar­chie est décon­nec­té et irres­pon­sable. Au niveau glo­bal, on assiste à une baisse de moyens dans l’éducation spé­cia­li­sée, se tra­dui­sant par tou­jours plus de dif­fi­cul­tés à trou­ver des sco­la­ri­sa­tions adap­tées aux élèves les plus lour­de­ment handicapé·es.

Concrètement, nous nous retrou­vons à assu­mer des fonc­tions d’éducation spé­cia­li­sée en milieu ordi­naire, alors que nous n’en avons ni la qua­li­fi­ca­tion ni la rému­né­ra­tion adé­quate. Le Ministère n’envisage tou­jours pas de créer un sta­tut de fonc­tion­naire qualifié·e de l’éducation sco­laire spé­cia­li­sée, pré­fé­rant se conten­ter de mul­ti­plier les embauches non pérennes de contractuel·les de la Fonction publique.

Nous sommes débauché·es en début de car­rière à 750 € pour 24 heures de temps de pré­sence avec les élèves. Nous devons enchaî­ner deux CDD de trois ans pour abou­tir sur un CDI qui ne nous offre aucune pers­pec­tive d’évolution. La nou­velle grille indi­ciaire n’y change rien : au bout de 20 ans de car­rière, on est tou­jours sous le seuil de pau­vre­té. Tant que l’on ne consi­dé­re­ra pas ces 24 heures de ser­vice comme un temps plein, ou obte­nons une reva­lo­ri­sa­tion de notre sta­tut et de salaire, nous y demeu­re­rons jusqu’à la satu­ra­tion.

Quand nous fai­sons part à notre employeur, le Rectorat, de l’indignité de nos condi­tions de tra­vail et de nos dif­fi­cul­tés sur le ter­rain, quand nous cher­chons à trou­ver des solu­tions et des amé­na­ge­ments pour pou­voir tenir nos enga­ge­ments et tra­vailler mieux, nous sommes face à un mur.

Les demandes indi­vi­duelles sont la majeure par­tie du temps lettres mortes, tel­le­ment il est dif­fi­cile d’avoir sim­ple­ment un interlocuteur·rice en mesure de nous prendre en compte. Nous n’avons même pas d’organigramme pour faci­li­ter la recherche de cel­leux-ci, dans le chaos d’une orga­ni­sa­tion dotée de plu­sieurs voies hié­rar­chiques.

Cette désor­ga­ni­sa­tion est sans doute due à un manque de moyen, mais sur­tout à un manque de volon­té poli­tique. Cela s’avère désas­treux pour nos condi­tions de tra­vail, et nui­sible quant à la qua­li­té du ser­vice public, que nous assu­mons tant bien que mal.

Plus inquié­tant et sur­tout into­lé­rable, nos ten­ta­tives d’alerter la coor­di­na­tion se voient par­fois sol­dées d’invitation à des entre­tiens indi­vi­duels inti­mi­dants, nous inti­mant à nous taire et à faire pro­fil bas. Nous sommes managé·es par la peur !

Les demandes col­lec­tives menées à Rennes avec les syn­di­cats sont jusqu’à main­te­nant tout aus­si peu fruc­tueuses. La der­nière en date, celle du 8 juin der­nier, n’ a abou­ti à aucune mesure pro­mise hono­rée !