Blanquer, l’islamo-gauchisme et l’extrême-droite

Blanquer, l’islamo-gauchisme et l’extrême-droite

Ces der­nières semaines, Blanquer est à l’origine d’une polé­mique (une de plus) qui agite l’université, mais qui concerne en fait l’ensemble des per­son­nels de l’Éducation natio­nale. Toute honte bue, il a fait le paral­lèle entre l’assassinat ignoble de Samuel Paty, la mon­tée de l’islamisme, et une pré­ten­due com­plai­sance de la part des « isla­mo-gau­chistes ». Essayons de dépas­ser la polé­mique pour aller à l’origine de ce concept dou­teux.

Le judéo-bol­ché­visme des années 1930

Cette expres­sion est emprun­tée au voca­bu­laire de l’extrême-droite la plus nau­séa­bonde. Son ori­gine est ancienne, elle s’enracine dans un autre concept puant, celui de judéo-bol­ché­visme qui se déve­loppe dans les années 1930, alors que les ligues d’extrême-droite exercent une influence consi­dé­rable. Dans ce qu’on appelle alors l’Instruction publique, cela aura des consé­quences très néfastes, puisque lors de la « défaite » de 1940, les diri­geants de ces par­tis fas­cistes arri­vés au pou­voir vont dis­tin­guer les « bons » et les « mau­vais » maîtres, c’est-à-dire les enseignant·es judéo-bol­ché­viques, res­pon­sables de la déca­dence de la France dans les années 1930.

La remise en cause de concepts socio­lo­giques anciens

Outre cette héré­di­té fâcheuse, le concept d’islamo-gauchisme per­met à Blanquer de semer la confu­sion dans l’opinion publique autour des ques­tions inter­sec­tion­nelles et déco­lo­niales, qui ont pour­tant été vali­dées depuis des dizaines d’années dans les uni­ver­si­tés outre-atlan­tiques. On retrouve ici la même polé­mique que quand le ministre s’attaque à Sud Éducation 93 en 2018 pour l’organisation d’un stage en non-mixi­té raciale (la race étant enten­due ici comme un concept social et non bio­lo­gique, ce que le ministre a feint de ne pas com­prendre).

De façon plus géné­rale, l’utilisation de cette expres­sion par Blanquer est à repla­cer dans le contexte poli­tique de la loi sur le « sépa­ra­tisme ». Macron décla­rait en juin 2020 dans Le Monde que des uni­ver­si­taires ont « encou­ra­gé l’ethnicisation de la ques­tion sociale en pen­sant que c’était un bon filon. Or, le débou­ché ne peut être que séces­sion­niste. Cela revient à cas­ser la République en deux ».

La boucle est bou­clée

Qui a dit : « le mili­tan­tisme, le sec­ta­risme, l’uniformité idéo­lo­gique sévit dans de trop nom­breuses écoles ou uni­ver­si­tés (…). On y retrouve toute l’obsession pour la race et le genre, toutes les théo­ries les plus incroyables venues des cam­pus amé­ri­cains » ? Macron ? Blanquer ? Non : la direc­trice-géné­rale de l’Institut des Sciences Sociales Économiques et Politiques de Lyon… nous avons nom­mé Marion Maréchal – Le Pen ! Cette « des­truc­tion de la cohé­sion natio­nale », ce sépa­ra­tisme des intel­lec­tuels, c’est-ce pas un air vichyste qu’entonnent aujourd’hui tous ces gens ?

Pour aller plus loin :

https://lundi.am/Le-retour-des-mauvais-maitres-Olivier-Long

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/10/28102020Article637394707240697021.aspx