Crise Sanitaire du COVID-19 /​/​Lettre ouverte à la Mairie de Rennes

LETTRE OUVERTE
DU COLLECTIF INTER-ORGANISATION DE SOUTIEN
AUX PERSONNES EXILÉES DE RENNES

A l’intention de Mme la Maire de Rennes, et des ser­vices de la Mairie,
à Rennes, le 18/​03/​2020

Le lun­di 16 mars, alors que la crise sani­taire s’annonçait gra­vis­sime et que des mesures de confi­ne­ment ren­for­cées étaient pré­vi­sibles à très court terme, la mai­rie de Rennes déci­dait de relo­ger les familles jusqu’alors héber­gées dans le gym­nase du Haut Sancé et au centre aéré Robert Launay dans des hôtels. Cette mesure, per­met­tant aux familles exi­lées de connaître de meilleures condi­tions sani­taires, étaient saluées par les asso­cia­tions.

Nous avons fina­le­ment appris, qu’alors même que des camions et du per­son­nel muni­ci­pal avaient été ini­tia­le­ment pré­vus ce même jour pour l’évacuation d’un lieu de sto­ckage (fina­le­ment annu­lée), la mai­rie infor­mait les asso­cia­tions qu’aucune aide logis­tique ne serait four­nie. La mai­rie fai­sait alors appel aux béné­voles des asso­cia­tions pour assu­rer les trans­ferts des per­sonnes et de leurs bagages vers les hôtels. Cela s’est tra­duit par l’en­voi par SMS aux asso­cia­tions des adresses en der­nière minute. Mises au pied du mur, le démé­na­ge­ment s’est orga­ni­sé entre plu­sieurs dizaines de per­sonnes épui­sées avec quelques voi­tures met­tant ain­si la san­té des familles et des mili­tants en dan­ger et créant une situa­tion de stress intense. Résultat : 28 familles, repré­sen­tant 131 per­sonnes, dépla­cées dans la jour­née par une dizaine de béné­voles dans leurs voi­tures per­son­nelles. Autant d’occasions de mul­ti­pli­ca­tion des dépla­ce­ments, des contacts et, donc, de dif­fu­sion du virus. Et tout cela sans aucune expli­ca­tion ni consigne de sécu­ri­té sani­taire don­nées aux popu­la­tions dépla­cées ni aucun équi­pe­ment de pro­tec­tion pour qui que ce soit ! Le len­de­main mar­di 17 mars, alors que nous étions déjà pas­sés en confi­ne­ment ren­for­cé (avec, acces­soi­re­ment le risque d’une amende de 135 euros en plus !), de nou­veau les asso­cia­tions étaient inter­pel­lées pour refaire, tou­jours dans les mêmes condi­tions, le trans­fert de 17 per­sonnes (et notam­ment redé­pla­cer des per­sonnes envoyées la veille dans des hôtels
hors de Rennes…).

Et qu’en est-il de ceux que la mai­rie ne loge pas, ceux qui sont à la rue, au 115, dans les squats… ?

Les asso­cia­tions consi­dèrent qu’il y a là clai­re­ment eu mise en dan­ger, à la fois des per­sonnes exi­lées mais aus­si des mili­tants.

On peut com­prendre que tout le monde soit pris de court par l’ampleur de cette crise sani­taire et que les solu­tions doivent sou­vent être trou­vées dans l’urgence mais les asso­cia­tions ne peuvent admettre qu’elles soient consi­dé­rées comme des pres­ta­taires de ser­vice, qu’il n’y ait aucun espace de concer­ta­tion préa­lable et que la muni­ci­pa­li­té, par prin­cipe, consi­dère comme nor­mal que les petits moyens des asso­cia­tions, bien infé­rieurs à ceux de la muni­ci­pa­li­té, soient mis à dis­po­si­tion en
per­ma­nence et de façon non négo­ciable. Nous ne pou­vons sur­tout pas admettre que la san­té de cer­tains soit lais­sée de côté, et par consé­quence celle de tous. Par ailleurs, dans le contexte actuel, ne pas consul­ter le corps médi­cal avant de prendre quelque déci­sion que ce soit est éga­le­ment incon­ce­vable. Une coor­di­na­tion doit se mettre en place de toute urgence entre les ser­vices de l’État, la muni­ci­pa­li­té, le corps médi­cal et le monde asso­cia­tif.

En consé­quence, dans un sou­ci de san­té publique, les asso­cia­tions réunies dans le col­lec­tif de sou­tien aux per­sonnes exi­lées refu­se­ront désor­mais de par­ti­ci­per à des actions qui n’auraient pas été éta­blies dans un tel cadre ou, a mini­ma dans celui d’une coor­di­na­tion mai­rie-per­son­nel de san­té-monde asso­cia­tif.

De nom­breuses ques­tions res­tent en souf­france : la mise à l’abri des sdf et per­sonnes exi­lées vivant dans les squats (ou la remise en état urgente de ces lieux), leur appro­vi­sion­ne­ment en maté­riel de pro­tec­tion sani­taire, en nour­ri­ture, de même que la ques­tion des per­sonnes confi­nées dans les hôtels qui n’ont aucun accès à des équi­pe­ments pour cui­si­ner. Ne pas régler ces ques­tions-là c’est, à coup sûr, contri­buer à la pro­pa­ga­tion du virus : com­ment ima­gi­ner que des per­sonnes confi­nées par­fois par
dizaines dans des lieux sans chauf­fage, sans élec­tri­ci­té, sans moyen de se laver ni de cui­si­ner, sans nour­ri­ture puissent conti­nuer encore long­temps à res­pec­ter les consignes de sécu­ri­té dif­fu­sées par les asso­cia­tions ? Il faut se rendre compte que nous sommes dans une course contre la montre.

L’État, dont c’est la res­pon­sa­bi­li­té pre­mière, a les moyens admi­nis­tra­tifs, logis­tiques, finan­ciers et humains pour veiller à la sécu­ri­té de l’ensemble de la popu­la­tion, sans exclu­sion aucune. La mai­rie, bien que dans des pro­por­tions moindres, a aus­si son rôle à jouer. Le corps médi­cal a des com­pé­tences dont per­sonne ne peut ni ne doit se pas­ser. Les asso­cia­tions ont leur sou­ci de soli­da­ri­té avec les plus dému­nis et leur bonne volon­té. Personne ne détient la clé à lui tout seul : à cha­cun selon ses
com­pé­tences mais en coor­di­na­tion.

Et il faut faire vite.

Pour infor­ma­tion, un col­lec­tif de plu­sieurs dizaines d’organi­sa­tions natio­nales exige des réponses
immé­diates et à la hau­teur de la crise, réponses aux­quelles le col­lec­tif inter-orga­ni­sa­tion de sou­tien
aux per­sonnes exi­lées de Rennes sous­crit :

  • La réqui­si­tion des centres cultu­rels, des bâti­ments sco­laires vides et de tout autre lieu per­met­tant un héber­ge­ment et la mise en place des mesures de pré­cau­tion, afin de mettre à l’abri toutes les per­sonnes qui dorment dehors à Rennes et de per­mettre la mise en place des mesures sani­taires et d’hygiène néces­saires pour faire face au virus
  • La mise en place de dis­tri­bu­tions ali­men­taires orga­ni­sées par les pou­voirs publics pour pal­lier le fait que les asso­cia­tions ne peuvent plus pour­suivre leur action dans ce domaine.
  • L’installation ou la réou­ver­ture de points d’eau les plus nom­breux et les plus acces­sibles possibles,et la mise à dis­po­si­tion de savon et de gel hydro-alcoo­lique, de manière à ce que les per­sonnes à la rue puissent appli­quer les recom­man­da­tions faites par les auto­ri­tés de san­té publique.
  • L’accès pour tout deman­deur d’asile aux condi­tions maté­rielles d’accueil par l’OFII afin de per­mettre à toutes et tous de dis­po­ser d’un mini­mum de res­sources finan­cières pour pou­voir faire face aux mesures de confi­ne­ment deman­dé.
  • L’interdiction des expul­sions visant les per­sonnes héber­gées dans les struc­tures d’urgence

Le col­lec­tif inter-orga­ni­sa­tion de sou­tien aux per­sonnes exi­lées
Contact : interorga35@protonmail.com

Lettre ouverte à la Mairie – Crise sani­taire du Covid-19