Édito

Certains d’entre nous ont connu plu­sieurs gou­ver­ne­ments socia­listes avant celui d’Ayrault, d’autres ne les ont vécus qu’à tra­vers les frus­tra­tions res­sen­ties sous la droite au pou­voir. Certains ont cru à la « vic­toire » de 1981, d’autres ont fini par s’en for­ger un mythe. Ceux et celles qui gar­daient leurs illu­sions mal­gré vents et marées, ceux et celles qui rêvaient d’un ave­nir meilleur, il était dur de leur en vou­loir sous le règne de Sarkozy ; dur de leur faire com­prendre que la ques­tion n’était pas prin­ci­pa­le­ment l’é­ti­quette poli­tique ou par­le­men­taire. Mais que tout se jouait sur des ques­tions de classes sociales.

Aujourd’hui et sans la moindre ambi­guï­té, les illu­sions tombent : le racisme d’État a le même goût à droite qu’à gauche, l’austérité de gauche ou de droite a la même odeur, les ministres PS ne sont que des ges­tion­naires comme les autres, s’accrochant à leur croyance aveugle dans l’économie de mar­ché. Leurs cibles popu­laires sont au mieux les lam­beaux des classes moyennes. Une des cri­tiques for­mu­lées à l’en­contre de l’ex-bloc sovié­tique était qu’il avait une ges­tion faus­sée par rap­port à la réa­li­té pour une rai­son simple : l’aveuglement idéo­lo­gique. Aujourd’hui, il est tout sauf com­pli­qué de consta­ter que le pro­blème de la ges­tion d’État en mode capi­ta­liste a le même défaut, avec de sur­croît la ten­ta­tive de nous faire gober que c’est le sens de l’Histoire, la nature des choses. Quelques années plus tôt, au milieu de cette guerre froide, quand tout le monde pen­sait avoir sa part du gâteau, on se moquait des vieux bar­bus qui rap­pe­laient que mal­gré ce par­tage des miettes, à l’Est comme à l’Ouest, le sys­tème éco­no­mique res­tait et reste basé sur l’exploitation de la majo­ri­té pour le bien d’une mino­ri­té. Des pos­sé­dants qui concentrent tou­jours entre leurs mains pou­voirs éco­no­miques, poli­tiques et avan­tages sociaux.

Dans le monde alors décré­té « libre », Ils avaient accep­té, sou­vent contraints et for­cés, de mettre en place des sys­tèmes de répar­ti­tion, assu­rant qu’ils ne retom­be­raient pas dans les tra­vers des pré­cé­dentes crises, qu’ils avaient com­pris que la chasse aux divi­dendes seule n’assurait pas la sur­vie de leur sys­tème et entraî­nait mort, des­truc­tion et guerre. Mais, après tant d’années, l’envie de reprendre la guerre des classes de manière plus bru­tale s’est fait sen­tir. L’augmentation des pro­fits, en fin de compte, n’attend pas et le sys­tème a repris sa course là où il avait accep­té de tenir le frein. L’idéologie libé­rale s’est impo­sée parce que le consen­sus n’était plus néces­saire. A tra­vers elle, la bour­geoi­sie s’est tout sim­ple­ment for­gée une nou­velle arme pour rap­pe­ler que : la domi­na­tion ne s’est jamais arrê­tée mais que pour une marge de plus-value consé­quente elle pou­vait se per­mettre de s’é­ta­ler au vu de tous.

Aujourd’hui, on voit appa­raître la dou­leur des classes moyennes qui ne semblent tou­jours pas com­prendre que l’idéologie du mar­ché régu­lé n’était fina­le­ment qu’un jeu de dupe. Les « déclas­sés » poussent des cris d’incompréhension, cou­vrant ceux et celles qui rap­pellent que sous l’État Providence la misère était par­fois criante. Le nombre de per­sonnes pris dans son étau était moins impor­tant qu’aujourd’hui, mais l’inégalité fai­sait plus que per­sis­ter : elle était et demeure la base même du sys­tème à tous les niveaux – dans les boites, dans la vie de tous les jours, dans l’éducation, etc.

Pendant que cer­tains et cer­taines sont prêts à mou­rir pour retour­ner au com­pro­mis de classe ren­dant l’exploitation plus vivable, nous devons nous orga­ni­ser pour en finir avec cette éco­no­mie de mort, cher­cher à vivre et non plus accep­ter de sur­vivre, affir­mer que le capi­ta­lisme n’au­ra jamais visage humain.

Vivre plei­ne­ment c’est étendre l’égalité et la prise de déci­sion à tous les domaines de nos vies et pour cela recons­truire nous-mêmes nos propres outils d’émancipation, nous don­ner les moyens de pré­pa­rer notre futur, dès main­te­nant, en repre­nant ce qui fait nerf de la guerre, qui est le centre de l’exploitation de classe : la pro­duc­tion.

Avec le com­pro­mis de classe, ces moyens que nos aînés nous avaient don­nés ont dis­pa­ru au pro­fit d’une bureau­cra­tie gérant les tra­vailleurs comme des ouailles. A nous d’en recons­truire, d’en inven­ter, de les fédé­rer en leur don­nant le sens d’un autre futur : coopé­ra­tives, édu­ca­tion popu­laire, bourses du tra­vail, syn­di­cats de classe, occu­pa­tions col­lec­tives de loge­ments et tout outil que le pro­lé­ta­riat se don­ne­ra pour résis­ter aujourd’hui et rem­pla­cer demain le sys­tème que nous concour­rons à détruire.

Doctor Louarn