Virer la CNT-FAU pour installer Vinci & Co : nettoyage politique à Rennes 2

Après une pre­mière ten­ta­tive de virer la CNT-FAU du cam­pus Villejean en 2000, la pré­si­dence remet ça avec le pro­jet de construire, une fois les locaux rasés, de nou­veaux bâti­ments en Partenariat Public Privé.

Ils sont rares les locaux don­nés à la CNT sur les cam­pus uni­ver­si­taires ! En 1998, la CNT avait choi­si de se pré­sen­ter aux élec­tions du CA /​CEVU pour obte­nir un espace syn­di­cal sur le cam­pus de Villejean et cela fait 15 ans qu’elle se main­tient sur la facul­té tout en étant loin des urnes par convic­tion. Déjà priée avec le col­lec­tif SCALP de démé­na­ger en 2000, la CNT est mena­cée d’expulsion par la pré­si­dence sans garan­tie claire de relo­ge­ment depuis l’année der­nière. Le local étant au dire du pré­sident un « pri­vi­lège ».

Le pro­jet de rem­pla­cer les locaux en pré­fa­bri­qué par des bâti­ments direc­te­ment finan­cés par le pri­vé, serait réa­li­sé au plus tôt début 2013. Concerné mais pas aver­ti direc­te­ment du pro­jet, le syn­di­cat s’est inquié­té du futur de son local. Le cas simi­laire de Nanterre en 2004 avait obte­nu gain de cause au tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, fai­sant juris­pru­dence, et la CNT-FAU 92 avait pu conser­ver sa place. A Rennes, l’administration éprouve des dif­fi­cul­tés à recon­naître la CNT comme une orga­ni­sa­tion syn­di­quant à la fois per­son­nels et étu­diants : nous ne sommes ni une asso­cia­tion étu­diante co-ges­tion­naire sié­geant au CA, ni un syn­di­cat de per­son­nel n’ayant accès qu’à un pla­card dans le local inter­syn­di­cal. On peut d’ailleurs s’interroger, en paral­lèle, sur le pro­blème du lieu de lutte des syn­di­cats pro­fes­sion­nels à l’université.

Les sacro-saintes règles uni­ver­si­taires exigent une par­ti­ci­pa­tion aux élec­tions étu­diantes pour accé­der à un local syn­di­cal. Lors de la lutte de 2000, la péti­tion pour le sou­tien à la CNT a regrou­pé plus de 400 signa­tures, et a rap­pe­lé l’importance d’une repré­sen­ta­ti­vi­té sur le ter­rain par rap­port à des élec­tions oubliées par la grande majo­ri­té des étu­diants (plus de 80% d’abstention). La CNT-FAU ren­naise a certes besoin de plus de dif­fu­sion, mais défend l’idée que la lutte sociale ne passe ni par les urnes, ni par les négo­cia­tions de bureau. Aujourd’hui sou­te­nue par SUD-Étudiant et le SLB, la CNT compte bien se battre pour récla­mer un nou­veau local si jamais la des­truc­tion de celui qu’elle occupe actuel­le­ment devait avoir lieu.

La lutte pour le main­tien d’un local incite à une réflexion plus large. Ces der­nières années, les acti­vi­tés mili­tantes sont effa­cées pour lais­ser place à la culture de l’entreprise pri­vée sur le cam­pus ; obte­nir une salle ou mon­ter une table de presse est une démarche de plus en plus coû­teuse en éner­gie et en temps, avoir un local décent dépend essen­tiel­le­ment de la capa­ci­té du syn­di­cat à ren­trer dans le moule admi­nis­tra­tif. Le pro­blème, consé­quence de la loi Libertés et Responsabilités des Universités, que sou­lève le par­te­na­riat de l’université avec des groupes comme Vinci ou Bouygues est tout aus­si impor­tant, s’inscrivant dans la même logique. « Il n’y a, en fait, aucun moment dans cette uni­ver­si­té ou toutes les salles sont occu­pées… Alors que sur le papier, elles le sont toutes » a décla­ré Mr Gombert, le pré­sident de l’Université. Il s’agit désor­mais, syn­di­cats, col­lec­tifs et étu­diants d’investir les lieux et de se faire recon­naître comme les véri­tables acteurs des luttes et de la vie uni­ver­si­taire, si l’on ne veut pas avoir des salles pleines et des têtes vides !

Hélène /​Image : MacDuff