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LOI MACRON… LOI DES PATRONS !
La loi « Croissance, activité et égalité des chances économiques », dite loi Macron, est avant tout un gigantesque fourre-tout. Pourtant, si les formations politiques de tous bords ont fait le choix de restreindre le débat public à des postures fantoches dont la seule finalité semble être leur velléités électoralistes, ce projet de loi constitue bien une attaque sans précédent et on ne peut plus méthodique à la protection des travailleur.se.s, au Code du travail et aux droits syndicaux. Pour mieux comprendre en quoi la loi Macron est avant tout une grande braderie des droits et acquis sociaux, revenons sur les principaux éléments qu’elle contient, et qui légitiment aujourd’hui la nécessité d’une réelle riposte sociale.
La destruction du Code du Travail
Jusqu’ici le contrat de travail était considéré par le Code civil comme un « lien de subordination permanent », entre deux parties inégales : l’employeur qui dicte les règles, le/la salarié.e qui n’a pas d’autre choix que de les accepter pour se nourrir. La contrepartie de cet engagement inéquitable et particulier qu’est le contrat de travail ce sont les droits qui protègent les travailleur.se.s, et notamment le Code du Travail qui donne un cadre réglementaire collectif à la relation entre employeur et salarié.e.
Mais en supprimant l’article 2064 du Code civil, lequel précise en substance que le patronat ne peut pas déroger à ce cadre collectif, la loi Macron change radicalement la donne. Désormais, un contrat de travail sera considéré comme n’importe quel autre contrat civil, entre deux parties réputées égales ! Ainsi, la loi Macron ouvrira une brèche sans précédent : la possibilité, à terme pour le patronat, de déroger au cadre collectif, au Code du Travail, et de négocier individuellement avec le/la salarié.e les modalités de son exploitation… Cette individualisation du contrat de travail porté par la loi Macron placera donc un couteau sous la gorge des travailleur.se.s qui devront choisir entre le chômage ou un contrat de travail qui déroge à tout encadrement légal.
La mise à mort des prud’hommes
La loi Macron prévoit de supprimer l’article 24 de la loi du 8 février 1995 relative l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Le règlement des litiges, dans ce nouveau cadre contractuel civil, pourra contourner la juridiction prud’homale. À l’occasion d’un litige, le/la salarié.e sera convié.e à conclure « une convention participative », c’est-à-dire à régler son différend à l’amiable, entre personnes de bonne volonté. Une fois le litige prétendument réglé et la « convention » signée, tout recours au juge sera « irrecevable ». Exit la conciliation, le juge prud’homal, la protection collective, la médiation syndicale… Pour chaque conflit, il suffira d’obtenir le consentement « le-revolver-sur-la-tempe » et plus rien ne viendra troubler cette libérale fusion des âmes au nom d’un inopportun et archaïque droit du travail.
Et pour les salarié.e.s les plus combatifs qui auront refusé l’arrangement à l’amiable, l’article 83 de la loi Macron stipule quant à lui que désormais, une liste des défenseurs prudhommaux sera établie par l’administration, sur « proposition des organisations syndicales représentatives ». En clair, c’est l’État qui va choisir qui sont les individus habilités à assurer la défense des salarié.e.s aux prud’hommes : retirant ainsi toute liberté aux travailleur.se.s de choisir le défenseur syndical de leur choix ! Concrètement, avec la loi Macron, des organisations syndicales qui ne remplissent pas les critères de la « représentativité nationale » comme la CNT, Solidaires, mais aussi les syndicats régionaux (SLB en Bretagne, STC en Corse, UGT‑G en Guadeloupe, USTKE en Nouvelle-Calédonie) ou de branche professionnelle ne pourront certainement plus plaider aux prud’hommes pour défendre les travailleur.se.s !
La boite à outils du licenciement
Le patronat voulait licencier plus facilement, le MEDEF le revendiquait, Macron l’a fait… et pas à moitié !
Dans le cadre des PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), le patronat pourra, grâce à la modification de l’article L.1233 – 5 du Code du Travail, déterminer quels sont les critères prioritaires de licenciement au niveau de chaque site, et non plus au niveau de l’entreprise. En clair, alors que jusqu’ici le patronat ne pouvait pas licencier n’importe qui dans le cadre d’un PSE, et devait respecter un ensemble de critères sociaux, il aura la possibilité de licencier qui il veut, dans l’ordre qu’il veut !
En outre, jusqu’à maintenant, lorsqu’un PSE était invalidé par un Tribunal Administratif, alors les licenciements économiques qui étaient intervenus dans le cadre de ce PSE étaient également invalidés et les salarié.e.s pouvaient être réintégré.e.s ou indemnisé.e.s. Avec la loi Macron, qui modifiera l’article L.1235 – 16 du Code du travail, c’est terminé. Lorsqu’un tribunal administratif jugera que les licenciements économiques sont illégaux, le licenciement sera cassé, mais le salarié n’aura droit à rien : ni réintégration, ni indemnisation !
Le projet Macron simplifie les « petits licenciements » (de 2 à 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salarié.e.s. Grâce à la modification de l’article L.1233 – 53 du Code du travail, plus besoin de passer par l’Inspection du Travail pour vérifier si les représentants du personnel ont été « réunis, informés et consultés » selon les dispositions légales et conventionnelles !
Le projet Macron simplifie aussi les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant l’article L.1233 – 58. En effet, « au regard des moyens dont dispose l’entreprise », en clair au regard de l’expertise fumeuse de ceux qui la dirigent, elle pourra se soustraire à l’obligation de faciliter le reclassement des salarié.e.s, notamment des âgé.e.s et des fragiles, comme le prévoit jusqu’ici le Code du Travail.
En outre, pour les entreprises qui font partie d’un groupe, il n’y aura plus d’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement « dans l’entreprise » : vous avez bien compris, le patron aura l’obligation de reclasser les salarié.e.s… dans l’entreprise qu’il vient de fermer !
L’impunité pour la délinquance patronale
Aujourd’hui, lorsqu’un patron fait obstruction au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, celui-ci commet un délit d’entrave, relevant de la justice pénale et passible d’une amende ainsi que d’un an de prison. Avec la loi Macron, plus de délit, donc plus de sanctions pénales, mais une simple contravention administrative, décidée par l’Inspection du Travail, permettant ainsi au patron d’éviter toute sanction judiciaire. Ainsi la loi Macron supprimera la peine de prison pour les patrons, piétinant les droits des délégués du personnel, des comités d’entreprise, des comités d’hygiène et sécurité, au motif que cela « inquiète les investisseurs étrangers ». Concrètement, lorsqu’un patron voudra faire obstacle aux libertés syndicales il n’aura plus qu’à calculer le coût de l’opération, payer une petite taxe sur la délinquance patronale, et le tour sera joué !
Médecine du travail et travailleur.se.s handicapé.e.s ne sont pas en reste
Évidemment, la loi Macron ne pouvait pas passer à côté de la Médecine du Travail. Ainsi, le texte en acte une prochaine réforme, précisant que celle-ci s’opérera non pas par voie législative mais par ordonnance… tout cela bien sûr sans en préciser le contenu.
Mais on peut imaginer ce qu’il sera, puisque qu’en évoquant le « choc de simplification », le gouvernement a d’ores et déjà indiqué sa volonté de supprimer la visite médicale périodique des salarié.e.s et de mettre fin aux avis d’aptitude « avec restrictions » délivrés par les médecins du travail, qui obligent l’employeur à aménager les postes de travail.
Par ailleurs, pour se soustraire à l’obligation d’embaucher des travailleur.se.s handicapé.e.s, le patronat avait déjà la possibilité de passer des contrats avec des « entreprises adaptées » ou encore des « établissements ou services d’aide par le travail ».
Mais comme si cela ne suffisait pas, grâce aux articles 92 et 93 de la loi Macron, les patrons auront désormais toute latitude pour faire travailler des personnes handicapées sans aucune rémunération dès lors qu’elles relèveront d’un établissement de réinsertion par le travail ! Concrètement, ces travailleur.se.s handicapé.e.s travailleront gratuitement sous prétexte de « mise en situation en milieu professionnel »… c’est-à-dire parce que c’est bon pour eux ! Et pour les autres, qui ne relèvent pas d’établissement spécialisés, la loi Macron crée le statut de « travailleur handicapé indépendant ». Les employeurs auront désormais la possibilité de faire travailler des personnes handicapés non salariées, mais rémunérées à la prestation !
Travail le dimanche et travail de nuit : ouverture des vannes
Concernant le travail dominical tout d’abord, la loi Macron étend la possibilité pour les commerces, qui pouvaient ouvrir jusqu’à 5 dimanches par an sur décision des municipalités, de faire travailler leurs employé.e.s jusqu’à 12 dimanches par an. Et cerise sur la gâteau, 5 parmi ces 12 dimanches seront de droit pour l’employeur qui pourra déterminer librement à quel moment il aura besoin d’exploiter ses salarié.e.s.
D’autre part, le projet de loi prévoit la création de différentes aires géographiques particulières, parmi lesquelles on retrouve les fameuses « Zones Touristiques Internationales » mais également les « zones commerciales caractérisées par un potentiel commercial ». Dans ces zones, lesquelles seront d’ailleurs délimités par les ministères du Travail, du Tourisme et du Commerce, le patronat pourra bénéficier d’une version toute particulière du Code du travail ! En effet, il lui suffira d’obtenir des accords d’entreprise pour y déroger afin d’étendre le travail de nuit. Ce que le gouvernement et le patronat appellent le volontariat, n’est qu’un leurre : concrètement, dans les secteurs ou le rapport de force entre salarié.e.s et employeur ne sera pas à l’avantage des travailleur.se.s, alors ces derniers pourront se voir contraindre d’accepter de travailler de 21h jusqu’à minuit, mais aussi les dimanches sans la moindre majoration de leur rémunération ! En l’absence d’accord, la majoration pour travail de nuit ou vespéral existera toujours… mais uniquement dans les établissements de plus de 20 salarié.e.s !
Pour résumer, au-delà d’ouvrir les vannes du travail du dimanche et de nuit, le projet de loi Macron poursuit sur ce point toujours la même logique : détruire l’encadrement de la relation salariale par le Code du Travail, et remettre les conditions de travail des salarié.e.s à un rapport de force totalement inéquitable entre celui qui travaille pour survivre et celui qui empoche les bénéfices de la richesse produite !
Privatisations : la santé et les transports en ligne de mire
Le projet Macron, n’est plus à ça près : pourquoi se serait-il privé pour asséner au passage une nouvelle gifle aux services publics ? À commencer par la question de la santé et des hôpitaux qui pourront investir et répondre à des appels d’offre à l’étranger alors qu’ils étaient jusqu’ici considérés comme des structures à but non lucratif. On imagine déjà l’intérêt pour le gouvernement : poursuivre la réduction des dépenses de santé ! Visiblement pour Macron, considérer les hôpitaux comme des entreprises capitalistes et la santé comme un marché, c’est ça la modernité !
Dans le même registre, n’oublions pas non plus que le projet de loi prévoit la privatisation de la gestion des aéroports de Nice et de Lyon, ainsi que la libéralisation du transport interurbain par autocar : réaffirmant ainsi que dans la société capitaliste, les transports en commun n’ont rien de services publics.
Un projet qui s’inscrit dans la logique des politiques libérales et d’austérité menées depuis plusieurs années
En conclusion, il nous paraît important d’insister sur le fait que le projet de loi Macron n’est pas une démarche isolée ni une posture contextuelle du gouvernement. Il s’inscrit bel et bien dans la logique des politiques libérale et d’austérité menées depuis plusieurs années par les gouvernements successifs à la demande MEDEF.
En effet, tandis que les profits du capital n’ont jamais cessé d’augmenter, et alors que les travailleur.se.s subissent tous les jours un peu plus, c’est bel et bien un ensemble de réformes menées par la droite comme par la gauche qui ont permis au patronat d’accéder à toujours plus de flexibilité, d’exonérations de cotisations sociales et d’impunité sous prétexte de compétitivité…
Les différentes réformes des retraites, tout comme la réforme annoncée de l’UNEDIC, sont celles qui touchent le plus durement à la protection sociale. Le pacte de responsabilité a été l’occasion de nouvelles exonérations de cotisations sociales patronales à hauteur de plusieurs dizaine de milliards. L’ANI avait ensuite ouvert une première brèche dans la série des dérogations au Code du Travail.
Aujourd’hui, c’est la loi Macron qui vient offrir aux patrons la possibilité d’exploiter plus longtemps, de payer moins, de passer outre le Code du travail et de se soustraire à un certain nombre de ses obligation en terme de droit du travail et cela, certainement en prévision des fermetures d’entreprises à venir.
Demain, c’est la loi Rebsamen qui tentera de porter un nouveau coup au syndicalisme, alors que le gouvernement ne cache pas non plus son intention de revenir sur les 35h. Toutes ces réformes, toutes ces offrandes au patronat, ont donc bien un dénominateur commun : l’austérité, qui ne se limite d’ailleurs pas à l’emploi dans le secteur privé et qui se décline dans la fonction publique en termes de suppressions de postes, de précarisation des personnels ou de stagnation des salaires.
C’est à nous, travailleur.se.s, de nous mobiliser aujourd’hui pour faire échec au discours dominant qui voudrait nous faire croire que la « soumission librement consentie » (cf. colloque organisé par le MEDEF le 29 mars 2011 portant sur la « soumission librement consentie ») est une marque de modernité. Bien au contraire, c’est bien dans la construction d’une riposte sociale, directement menée par celles et ceux qui voient leur force de travail exploitée au quotidien pour le profit du Capital, que nous pourrons faire échec à ses politiques de régression. C’est bien en construisant nous mêmes des alternatives à l’austérité et au capitalisme que nous développerons la société de demain !