Vive la rentrée… sociale !

C’est la ren­trée et, mal­heu­reu­se­ment, le gou­ver­ne­ment n’a pas pris de vacances. Les ministres passent, les pénu­ries, l’autoritarisme et le mana­ge­ment toxique, eux, sont tou­jours là. Gabriel Attal annonce, le jour de sa nomi­na­tion, qu’il pour­sui­vra le « for­mi­dable tra­vail » de Blanquer, bref, il fera du Macron ren­for­cé. Le déman­tè­le­ment de l’école est en marche accé­lé­rée. Notre ministre est encore un « start upper » bibe­ron­né à l’école pri­vée, pétri d’idéologie libé­rale : la science du chaos et du cha­cun pour soi.

Pas facile d’être un tra­vailleur ou une tra­vailleuse de l’éducation quand l’institution est pilo­tée par des gens qui portent des valeurs dia­mé­tra­le­ment oppo­sées aux nôtres et au ser­vice public. C’est pas encore Le Pen, mais le ter­rain est prêt, car il est dif­fi­cile de dis­tin­guer une poli­tique édu­ca­tive d’extrême-droite, d’une poli­tique édu­ca­tive de droite extrême. Mise à genoux des ser­vices publics, esso­rage du monde du tra­vail par le gel des salaires sous infla­tion à deux chiffres en atten­dant une retraite qui n’arrivera plus jamais, mise au tra­vail gra­tuit des chô­meuses et des chô­meurs, inter­dic­tion de toutes les orga­ni­sa­tions poli­tiques et sociales dis­so­nantes, répres­sion de la contes­ta­tion et des syn­di­ca­listes, bana­li­sa­tion de la sur­veillance de masse, chasse aux étranger·es ou à celles et ceux qui en ont l’air… n’en déplaise aux poli­to­logues de ser­vice, Macron, ce n’est pas le centre droit.

La réa­li­té fait men­tir le minis­tère

Les élèves n’ont pas encore fait leur car­table mais on sait qu’il manque déjà 3 000 profs pour les accueillir. En res­tant à l’état d’annonce déma­go, le « choc d’attractivité » n’avait aucune chance de remé­dier à la pénu­rie. Le sau­pou­drage des divers primes ne rem­pla­ce­ront pas les hausses de trai­te­ment au moment des futures retraites et ne cou­vri­ront pas l’inflation au pré­sent. Mais le ministre peut, en fai­sant abs­trac­tion du contexte, fan­fa­ron­ner sur la plus haute reva­lo­ri­sa­tion « depuis des décen­nies ». Depuis son arri­vée au pou­voir, Macron a fait sup­pri­mer l’équivalent de 200 col­lèges. Des profs en moins, c’est aus­si des classes plus lourdes, nous le savons.

Pactiser ou édu­quer, il faut choi­sir

Cet été, les décrets ins­tal­lant le Pacte sont venus confir­mer l’uberisation du métier d’enseignant·e.

Dans son dis­cours de ren­trée, le nou­veau ministre « assume » : le Pacte « n’est pas un outil de reva­lo­ri­sa­tion ». On avait remar­qué. C’est un outil pour « récom­pen­ser les ensei­gnants qui se mobi­li­sent ». On lui rap­pelle que se trou­ver tous les matins devant une classe de trente élèves, c’est être déjà plei­ne­ment « mobilisé·e ». Dans les faits, le Pacte s’adresse aux enseignant·es qui dis­posent déjà des meilleures condi­tions de tra­vail, car ce seront les seul·es à trou­ver du temps et de l’énergie sup­plé­men­taires pour prendre de nou­velles mis­sions.

Nous redi­sons que le fait d’envoyer des profs des écoles ges­ti­cu­ler devant des collégien·nes une heure pas semaine est inepte sur le plan péda­go­gique. Nous redi­sons que par­ti­ci­per à des rem­pla­ce­ments impro­vi­sés, en délé­gant, au besoin, le soin à un·e AED de réci­ter ses propres cours est indigne sur le plan pro­fes­sion­nel. Car c’est aus­si une des « inno­va­tions » de cette ren­trée : dans le secon­daire, les AED pour­ront rem­pla­cer les profs absents. Les génies qui ima­ginent ce genre de « solu­tions » sont les mêmes qui rem­plissent leurs dis­cours d’école exi­geante et de res­tau­ra­tion de l’autorité des profs. Si nous refu­sons le Pacte, c’est parce qu’il nous reste un peu de conscience poli­tique et pro­fes­sion­nelle.

Les bonnes mesures du minis­tère reprennent nos reven­di­ca­tions… avec cinq ans de retard

Ne som­brons pas dans la cari­ca­ture, cer­taines annonces du ministre vont dans le bon sens : les épreuves de spé­cia­li­tés du bac Blanquer sont repous­sées au mois de juin et le « grand oral » est enfin débar­ras­sé de ses cinq minutes de « pro­jet pro­fes­sion­nel », sinistre exer­cice de confor­misme auto-pro­mo­tion­nel. Pour nous, le bac Blanquer doit inté­gra­le­ment être ran­gé dans les pou­belles de l’histoire édu­ca­tive. Cependant, ces « ajus­te­ments » annon­cés pour cette année, sont récla­més depuis cinq ans par les per­son­nels et leurs syn­di­cats, cinq géné­ra­tions de bachelier·es sacrifié·es.

Les chefs auront tou­jours tort !

Pour le pri­maire, aucune bonne nou­velle à l’horizon. Un (autre) décret de l’été vient for­ma­li­ser le pou­voir des direc­teurs et direc­trices d’école sur leurs EX-col­lègues : « le direc­teur a auto­ri­té sur l’ensemble des per­sonnes de l’école durant le temps sco­laire ». La droite exulte, les profs pré­parent les gants de boxe ou le lexo­myl. En reve­nant sur l’organisation démo­cra­tique et col­lé­giale des écoles, le gou­ver­ne­ment enterre 150 ans de tra­di­tion (réel­le­ment) répu­bli­caine et attise les conflits entre les équipes édu­ca­tives et la « hié­rar­chie de proxi­mi­té » qui sont déjà his­to­ri­que­ment éle­vés. Cette loi Rilhac est un poi­son pour notre sys­tème sco­laire. Elle est un outil délé­tère qui abou­ti­ra, sans l’ombre d’un doute, à la neu­tra­li­sa­tion du tra­vail en équipe, à l’installation de la défiance et du res­sen­ti­ment dans les rela­tions pro­fes­sion­nelles, au pour­ris­se­ment du cli­mat sco­laire. Fidèle à ses convic­tions anti-hié­rar­chiques et auto­ges­tion­naires, la CNT défen­dra tou­jours le pou­voir du col­lec­tif contre le pou­voir d’un·e seul·e. Les col­lègues qui ima­ginent que « ça ne chan­ge­ra rien » parce que leur dir­lo est sym­pa se trompent : ren­dez-vous dans cinq ans !

Pour le reste des annonces, que du pous­sié­reux sauce déma­go : retour-aux-fon­da­men­taux, éva­lua­tions à tous les étages (CM1 et 4e en plus) entraî­nant tou­jours plus de stan­dar­di­sa­tion des méthodes favo­ri­sant le bacho­tage méca­nique sans quête de sens, deux heures de « lec­ture » en CP (ce qui ne veut rien dire) et réduc­tion de la mater­nelle à un entraî­ne­ment pré-élé­men­taire avec l’évacuation insi­dieuse des conte­nus et des méthodes spé­ci­fiques aux réels besoins de la petite enfance.

Du côté de l’inclusion, le ministre flatte les AESH et les remer­cie en belles paroles en leur octroyant, concrè­te­ment, 60 € de plus par mois face à l’inflation. Nous rap­pe­lons que les AESH gagnent sou­vent moins de 1000 € par mois.

Pour faire diver­sion : un élé­phant rose en abaya

Pour évi­ter les sujets qui fâchent, le ministre a sub­ti­le­ment allu­mé un contre-feu média­tique en pro­cla­mant le torse bom­bé la fin de l’abaya à l’école. Tout a très bien fonc­tion­né, les chien·nes de garde des chaînes d’info n’ont rete­nu que cet os à ron­ger. Les musulman·es servent donc encore d’exutoire.

La CNT se tien­dra, pour cette ren­trée encore, aux côtés des élèves dans leur diver­si­té, de leur famille, des per­son­nels sin­cè­re­ment engagé·es pour un ser­vice public de l’émancipation col­lec­tive. Nous pren­drons notre place dans les com­bats qui s’imposent, en choi­sis­sant tou­jours le côté le plus fré­quen­table de la bar­ri­cade. Bonne ren­trée révo­lu­tion­naire !